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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

2e Session, 36e Législature,
Volume 138, Numéro 26

Le jeudi 10 février 2000
L'honorable Rose-Marie Losier-Cool, pro tempore


Table des matières

LE SÉNAT

Le jeudi 10 février 2000

La séance est ouverte à 14 heures, le Président pro tempore étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Les affaires étrangères

La Russie-Le conflit en Tchétchénie

L'honorable Francis William Mahovlich: Honorables sénateurs, je désire vous faire part de ma visite récente à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe. Pendant ce voyage, le Canada était représenté par des députés et des sénateurs. Au cours de nos rencontres, je n'ai pas eu l'occasion de participer au débat visant à déterminer si les Russes devraient être exclus du conseil ou autorisés à continuer d'en faire partie. Je traiterai aujourd'hui de cette question.

En décembre dernier, j'ai passé dix jours en Russie. J'ai constaté que de nombreux changements s'étaient produits depuis mon premier séjour au début des années 70. Des signes positifs de l'instauration d'une nouvelle démocratie commencent à se manifester. Notre délégation a été accueillie de façon fort obligeante, et le traitement dont nous avons fait l'objet a de loin dépassé nos attentes. De fait, pendant nos déplacements autour de Moscou, on pouvait se demander si une guerre était en cours en Tchétchénie et si la population était adéquatement informée.

Je partage les vues exprimées par les députés au cours de cette semaine, qui ont dit que l'on ne peut mettre fin au terrorisme en adoptant un comportement de terroriste. Le Canada condamne les tactiques militaires russes adoptées dans ce tragique conflit. Nous condamnons le fait que l'on mette en danger la vie de soldats conscrits dans une guerre qui ne peut être gagnée et dans le cadre de laquelle tout le monde est perdant. Le Canada exige donc un cessez-le-feu immédiat et l'amorce d'un dialogue dans les meilleurs délais avec les représentants élus du peuple tchétchène.

Le Canada prie instamment la Fédération russe de respecter les engagements qu'elle a pris au sommet d'Istanbul de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, afin de permettre à l'OSCE de contribuer au règlement politique de la crise en Tchétchénie dans le cadre de négociations pacifiques. Nous exhortons toutes les parties intéressées à respecter les droits de la personne. Le Canada insiste expressément pour que les civils, les journalistes, les préposés à l'aide humanitaire et les fournitures puissent circuler librement.

Lorsque le président de l'assemblée, le lord Russell Johnston, exige que le Conseil de l'Europe intervienne rapidement, les mesures préconisées par le Canada comptent parmi celles qui orientent les décisions.

Dans un esprit d'amitié avec les Russes et de coopération démocratique, nous espérons sincèrement que le gouvernement russe accueillera favorablement les mesures préconisée par cette assemblée.

(1410)

Son Honneur le Président pro tempore: À l'ordre!

Sénateur Mahovlich, votre temps de parole est écoulé. Demandez-vous la permission de poursuivre?

Le sénateur Lynch-Staunton: Période supplémentaire!

Le sénateur St. Germain: Période supplémentaire - quatrième période.

Le sénateur Mahovlich: Oui, s'il vous plaît.

Son Honneur le Président pro tempore: Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Mahovlich: Le but le plus rapide qu'il m'a été donné de compter en période supplémentaire l'a été après30 secondes.

Pour sa part, le Canada est tout à fait prêt à proposer ses bons offices et à faire le nécessaire pour mettre rapidement fin à ces actes de terrorisme, d'injustice flagrante et d'inhumanité. Ensemble, nous devons exiger la paix maintenant!

Le développement des ressources humaines

Les programmes de création d'emplois- L'effet des subventions

L'honorable Ron Ghitter: Honorables sénateurs, ma déclaration d'aujourd'hui a trait à certaines observations que j'aimerais faire concernant la question des programmes de création d'emplois au ministère du Développement des ressources humaines, telle qu'elle a été présentée, du point du vue du gouvernement, par le leader du gouvernement au Sénat ces deux derniers jours.

D'entrée de jeu, je tiens à dire que je n'ai pas l'intention d'exiger la démission du ministre Stewart, du ministre Pettigrew ou, à cet égard, du premier ministre.

Des voix: Bravo!

Le sénateur Ghitter: Le prochain titulaire, qu'il s'agisse d'un homme ou d'une femme, fera la même chose, mettra en oeuvre les mêmes programmes qui existent depuis des années, mais, espérons-le, avec plus d'efficacité. Ce programme, il est loin d'être parfait, il est dépassé et on en abuse. Il est à l'origine du cynisme que les Canadiens éprouvent de plus en plus à l'égard d'un système d'octroi de subventions fondé davantage sur des considérations politiques que sur la pertinence et le bon sens en matière de finances.

Hier, dans cette Chambre, le leader du gouvernement, voulant comme le gouvernement faire diversion, a énuméré sur un fond d'applaudissements les programmes qu'apparemment, il est fier d'appuyer. Je suis sûr que certains programmes ayant bénéficié de subventions ont donné de très bons résultats. Toutefois, je dis aujourd'hui que je n'appuie pas les programmes de création d'emplois de DRHC et je demande qu'il y soit définitivement mis fin.

Des voix: Bravo!

Le sénateur Ghitter: À mon avis, ces programmes sont maintenant tellement politisés qu'ils sont maintenant une nouvelle occasion pour les députés libéraux d'en tirer parti à des fins politiques en remettant des chèques à leur circonscription alors que dans les circonscriptions représentées par des députés non libéraux, les chèques sont envoyés directement par le ministre. Je le sais pour être passé par là. J'ai remis des chèques semblables lorsque j'étais un politicien élu.

Des voix: C'est une honte!

Le sénateur Ghitter: Il est temps d'arrêter cette pratique. Il est temps que nous arrêtions de distribuer des chèques en pensant aux votes que cette pratique peut nous rapporter. Tout ce que nous faisons, c'est rendre l'argent aux contribuables.

Une fois le chèque remis, l'agent de financement du parti politique vient vous dire: «Vous avez reçu ce don et je remarque d'après mes dossiers qu'en 1997 et 1998, le Parti libéral a reçu quelque 150 000 $ de la part de compagnies qui avaient bénéficié de subventions fédérales pour la création d'emplois.» Rien que dans la circonscription du premier ministre, qui a bénéficié de 4,2 millions de dollars de subventions, quelque 21 000 $ de dons ont été faits au Parti libéral.

Honorables sénateurs, tout le système est défectueux et invite aux abus. Quand on l'expose, il suscite des commentaires de la part d'un public cynique qui dit: «Après ce que j'ai entendu et lu, qu'attendez-vous des politiciens? N'est-ce pas ainsi que les choses se passent?»

Son Honneur le Président pro tempore: À l'ordre, s'il vous plaît.

Sénateur Ghitter, votre temps est écoulé. Demandez-vous la permission de continuer?

Le sénateur Ghitter: Oui.

Son Honneur le Président pro tempore: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Ghitter: Je le dis avec tout le respect que je lui dois. Bien que le leader du gouvernement au Sénat, avec les applaudissements de fond, appuie le maintien du système de l'assiette au beurre en matière de création d'emplois et que le premier ministre fasse fièrement lecture d'une liste de bénéficiaires choisis avec soin par M. Boudria, je persiste à dire que nous devons nous débarrasser de ces programmes. Les subventions de création d'emplois aux entreprises sont des mesures incitatives artificielles qui donnent rarement des résultats durables.

Les gros bénéficiaires de subventions comme Vidéotron et Bombardier n'ont pas besoin de ce genre d'aide pour embaucher des gens. Si le programme fonctionne et si l'entreprise se porte bien, les subventions gouvernementales ne seront pas nécessaires.

Si le gouvernement veut vraiment créer des emplois, et je me permets d'ajouter que cette activité n'est plus aussi critique comme avant, j'ai plusieurs choses à lui suggérer s'il veut dépenser les milliards de dollars qu'il consacre actuellement à autre chose. Il pourrait réduire les impôts et éliminer l'impôt sur les gains en capital, regarnir les coffres vides de nos universités, collèges et écoles professionnelles pour que ces établissements puissent instruire, former et recycler la population; il pourrait revoir les programmes de prêts d'études de manière que les étudiants qui satisfont certaines conditions puissent bénéficier d'une remise de dette et éviter ainsi de se retrouver endettés au point de devoir déclarer faillite à la fin de leurs études; enfin, il pourrait mettre un terme à l'exode des cerveaux et créer des programmes pour encourager les entreprises à rester au Canada et à y investir.

Bien entendu, la réussite de ces mesures gouvernementales ferait peut-être en sorte que les députés ministériels ne seraient pas aussi occupés ni autant appréciés, mais les Canadiens s'en trouveraient beaucoup mieux et monsieur et madame Tout-le-monde afficheraient peut-être moins de cynisme.

Des voix: Bravo!

L'Ontario

Wiarton-L'influence de Wiarton Willie sur la communauté

L'honorable Lorna Milne: Honorables sénateurs, j'ai entendu avec grand plaisir prononcer le nom de «Wiarton Willie» de l'autre côté de la Chambre, hier. Il semble que Mike Harris ait lu le hansard du Sénat et qu'il s'en prenne lui aussi à Wiarton Willie, tout en donnant au passage une taloche au Sénat.

Permettez-moi de vous parler de Wiarton, en Ontario. Cette magnifique localité de 2 300 habitants est située à l'extrémité de la péninsule Bruce en Ontario, sur les rives de la baie Georgienne et à proximité de l'Escarpement du Niagara. On y trouve un microclimat unique puisque, à la différence des communautés environnantes dont le climat est tempéré par les eaux des Grands Lacs, Wiarton connaît un climat extrêmement froid en hiver. La plus grande partie des emplois étant saisonniers, lorsque le service de traversier de Chi-Cheemaun ferme pour l'hiver, de nombreux emplois disparaissent aussi. Cette situation et les grands froids forcent de nombreuses personnes à quitter la ville chaque hiver pour aller chercher de l'emploi ailleurs.

Que signifie pour la ville l'aide qu'a apportée DRHC à «Wiarton Willie», cette gentille petite marmotte albinos? En plus d'aider à égayer les esprits au milieu de l'hiver, une subvention de 50 000 $ par année permet de donner de l'emploi à deux jeunes gens. Le programme a commencé l'an dernier et les deux étudiants ayant participé au programme ont maintenant obtenu de meilleurs emplois plus rémunérateurs. L'un d'eux est devenu animateur à Walt Disney Studios.

Le site Web que ces jeunes ont mis sur pied reçoit des dizaines de milliers de visites chaque année. Des millions de dollars sont versés à l'économie locale, ce qui permet de créer des emplois. Cette année, 10 000 personnes ont visité Wiarton le 2 février pour voir Willie prédire six semaines supplémentaires de climat canadien.

Le défilé de mode de Wiarton Willie a permis d'amasser 860 $ qui ont servi à l'achat d'un numériseur pour l'hôpital de Wiarton. Les magasins locaux ont rapporté que leurs ventes avaient atteint un niveau inégalé au cours de cette fin de semaine du 2 au 6 février.

Il semble donc que chaque dollar de la subvention de DRHC a été utilisé à bon escient pour aider une ville dont la main-d'9uvre est principalement saisonnière à maintenir sa population et qu'il a permis à au moins deux jeunes de l'endroit de s'assurer un bel avenir. La subvention de DRHC accordée à Wiarton Willie à titre de capital de lancement a remporté un franc succès.

La légitimité de certaines publicités électroniques

L'honorable Raymond J. Perrault: Honorables sénateurs, je serai bref et non partisan.

Mon intervention pourra vous sembler humoristique, mais elle a également à voir avec la sécurité sur la colline du Parlement. J'ai reçu un courrier électronique qui a également été envoyé à des députés et autres, promettant la divulgation de renseignements confidentiels relativement à nos antécédents personnels. Puis-je vous en faire la lecture? C'est très court. Cela ne me prendra que deux minutes.

Voici le logiciel le plus EN DEMANDE cette année. Le logiciel qu'ils veulent interdire. Pourquoi? Parce que vous ne deviez jamais avoir droit aux secrets qu'il vous révèle!!! Appelez n'importe où au monde sans frais. Il s'agit d'un LOGICIEL haut de gamme CONÇU pour permettre de relier automatiquement des milliers de bases de données publiques. Le logiciel Unclaimed Money Locator vous permet de découvrir si on vous doit de l'argent dans votre État de résidence.

(1420)

Je vous donne une idée de ce qu'on peut y faire: prendre connaissance des renseignements que détient le gouvernement à votre sujet; obtenir les coordonnées d'une personne à partir de son numéro de plaque d'immatriculation - on ainsi peut retracer la jolie jeune femme aperçue alors qu'on roulait en voiture, ou obtenir son dossier de conducteur; retracer une personne à partir de son numéro d'assurance sociale; accéder gratuitement à l'Internet; obtenir une adresse à partir d'un nom de famille; obtenir un numéro de téléphone confidentiel; retrouver des parents perdus de vue ou d'anciens amants qui vous ont brisé le coeur; envoyer des courriers électroniques totalement anonymes et non retraçables; enquêter sur quelqu'un; faire appel aux sources secrètes d'information exploitées par les détectives privés (sur l'Internet); apprendre à trouver des informations sur un ancien conjoint pour vous aider à gagner votre cause devant les tribunaux, en découvrant par exemple de vieux squelettes dans ses placards; vous renseigner sur le passé criminel et les antécédents de tiers; vous renseigner sur le petit ami ou le mari de votre fille; vérifier si vous-même ne faites pas l'objet d'une enquête; tout apprendre sur vos mystérieux voisins - notamment ce qu'ils ont à cacher; découvrir des choses curieuses concernant vos collègues de travail; vérifier si une personne possède effectivement les diplômes qu'elle prétend. Pour avoir accès à toutes ces informations, il suffit d'insérer la disquette dans l'ordinateur et de lancer le programme.

J'y vois une certaine forme d'humour, mais c'est extrêmement grave, surtout s'il devient possible d'accéder à ce type d'information, ce qui est totalement illégitime. Je vais saisir la GRC de cette affaire.

L'honorable Marcel Prud'hom me

Félicitations à l'occasion de ses trente-six ans au Parlement

L'honorable John Buchanan: Honorables sénateurs, deux parlementaires de longue date - dont Bob Muir, qui a été sénateur - m'ont informé que l'un des nôtres fête aujourd'hui,le 10 février 2000, ses trente-six ans en tant que parlementaire.

Le sénateur Marcel Prud'homme a été élu aux Communes le 10 février 1964, trois ans avant ma propre élection à l'Assemblée législative de la Nouvelle-Écosse. Il a été réélu huit fois de suite et a siégé à la Chambre 29 années sans interruption. Il siège au Sénat depuis sept ans.

Félicitations, Marcel.

Des voix: Bravo!

Le développement des ressources humaines

Le programme de prêts d'études-La proposition de hausser les primes versées aux banques

L'honorable Erminie J. Cohen: Honorables sénateurs, je m'interroge sur la proposition du gouvernement de hausser les primes versées aux banques dans le cadre du Programme national de prêts aux étudiants.

On a dit que cette proposition aurait pour effet d'accroître de 100 millions de dollars la contribution du gouvernement fédéral. Cette mesure ne fait que traiter un symptôme d'un problème beaucoup plus grand. Je ne comprends pas pourquoi le gouvernement est si prompt à répondre aux préoccupations de nos riches banquiers alors qu'il fait si peu pour remédier à l'incapacité des étudiants de rembourser leurs emprunts.

Depuis 1993, le gouvernement a amputé de 6 milliards de dollars les fonds destinés à l'éducation. Malgré la modeste augmentation prévue à cet égard dans le budget de l'année dernière, les universités et les collèges ont toujours du mal à répondre aux besoins de leurs étudiants en essayant de faire plus avec moins de ressources. Pour compenser les moins-perçus en revenus, les frais de scolarité ont grimpé en flèche et les étudiants sont forcés d'emprunter encore davantage. Les étudiants canadiens, après avoir complété un cycle d'études de quatre ans, figurent parmi les plus endettés au monde avec une dette moyenne de 25 000 $.

Il est clair, honorables sénateurs, que ce n'est pas un bon départ pour nos jeunes qui entrent dans la vie active. Cet endettement inévitable dissuade les étudiants, surtout ceux de milieux à faible revenu, d'entreprendre des études.

Vous en conviendrez sûrement, honorables sénateurs, ce montant de 100 millions de dollars serait dépensé à bien meilleur escient s'il servait à accroître les programmes de bourses et à augmenter les paiements de transfert aux provinces. Cela permettrait d'accroître l'accessibilité aux études et de faire en sorte que les étudiants n'accumulent pas des dettes aussi élevées et puissent entreprendre leur carrière en partant du bon pied.

Uniquement au cours du mois dernier, le gouvernement a pris plusieurs décisions contestables en ce qui concerne l'argent des contribuables. En parcourant le pays avec le groupe de travail du Parti progressiste-conservateur sur la pauvreté, je suis devenue plus consciente du problème et je ne saurais trop insister sur la nécessité de décisions de principe capables de briser les cycles contribuant à la pauvreté. Il est encore temps pour le gouvernement de repenser cette proposition et d'investir l'argent là où cela s'impose, c'est-à-dire pour former nos jeunes et les préparer à relever les défis qu'ils auront à affronter dans le siècle qui commence.

Martin Luther King junior

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs,le 17 janvier 2000 était fête nationale aux États-Unis. C'est ce jour-là que les Américains ont honoré la vie et l'oeuvre de Martin Luther King junior. Ce n'est pas fête nationale dans notre pays, mais de nombreux Canadiens, ce jour-là, prennent un instant pour honorer l'homme, ses principes et la lutte qu'il a menée en faveur de l'égalité raciale au sein du mouvement américain pour les droits civils. Je suis l'un de ces Canadiens.

En 1956, je me suis rendu de la Nouvelle-Écosse à Toronto pour écouter prêcher Martin Luther King. Ce fut une expérience marquante. Je fus à la fois motivé et inspiré par ces propos. Ils renforcèrent ma détermination de réaliser mes rêves en dépit des obstacles qui se dressaient sur mon chemin.

L'intensité de son action en sa qualité de leader du mouvement pour la défense des droit civiques aux États-Unis témoigne du dévouement de M. King à la cause de l'égalité et de la justice pour tous les êtres humains, sans égard à leur race. Pendant les années 50 et 60, une année typique de manifestations et de protestations le voit sillonner les États-Unis et faire plus de200 discours, exploit épuisant que Martin Luther King junior ne semble jamais chercher à esquiver.

Pendant cette période, il est attaqué, poignardé et lapidé alors qu'il fait la promotion des droits civiques auprès de la population américaine. En 1963, il est emprisonné pendant 11 jours à Birmingham, en Alabama, pour avoir manifesté, défiant une injonction du tribunal, contre la ségrégation dans les grands magasins et contre leur politique d'embauche injuste. En 1965, il est de nouveau emprisonné, cette fois à Selma, toujours en Alabama, pour avoir protesté contre les pratiques discriminatoires d'inscription des électeurs. Malgré tout cela, il trouve le temps de publier plusieurs livres et, en 1964, il devient le plus jeune lauréat du prix Nobel de la paix.

Aujourd'hui, presque 32 ans après son assassinat,le 4 avril 1968, l'héritage de Martin Luther King est toujours d'actualité. La lutte pour l'égalité et la justice se poursuit et le racisme existe toujours tant aux États-Unis qu'au Canada, bien qu'il ne se manifeste pas de la même façon que du vivant deM. King. Dans nos coeurs, nous n'en sommes pas encore au point où il aurait voulu que nous soyons, le point où tous les êtres humains sont jugés d'après leur personnalité et non la couleur de leur peau.

Les Nations Unies ont déclaré l'an 2000 l'Année internationale de la culture et de la paix. Pendant toute l'année, nous devons mettre l'accent sur le respect de la diversité culturelle et promouvoir la tolérance, la solidarité, la coopération, le dialogue et la réconciliation, principes que voici plus de trois décennies M. King avait fait siens comme instruments du mieux-être de la société.

En conclusion, cette année, en l'honneur de M. King, j'encourage tous les honorables sénateurs à se joindre à moi pour faire la promotion de ces principes ici, au Sénat, et parmi les gens que nous représentons. Martin Luther King junior a dit un jour: «La véritable paix est plus que l'absence de tensions, c'est la présence de la justice.» Notre rôle à la recherche de cette paix véritable exige que nous nous servions de notre charge de sénateur pour promouvoir une justice véritable.


[Français]

AFFAIRES COURANTES

La situation des langues officielles en Ontario

Avis d'interpellation

L'honorable Jean-Robert Gauthier: Honorables sénateurs, je donne avis que, le jeudi 17 février 2000, j'attirerai l'attention du Sénat sur des dossiers de l'heure portant sur les langues officielles en Ontario.


[Traduction]

(1430)

PÉRIODE DES QUESTIONS

Le développement des ressources humaines

Le Fonds du millénaire-Le versement des bourses

L'honorable Ethel Cochrane: Honorables sénateurs, la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants a conseillé aux étudiants du niveau postsecondaire de refuser les bourses du millénaire, car les accepter pourrait en réalité leur coûter de l'argent. Le montant de la bourse est considéré comme un revenu imposable, mais de nombreuses provinces le déduisent du montant de leurs propres mesures d'aide financière. J'avais, comme les étudiants du niveau postsecondaire de tout le pays, cru comprendre que ce fonds était destiné à fournir une aide financière aux étudiants dans le besoin, non à servir de nouvelle source de fonds pour les gouvernements provinciaux.

Voilà la question que je pose au leader du gouvernement: maintenant que des fonds sont enfin débloqués du Fonds du millénaire, combien ont été directement donnés aux étudiants et combien sont allés aux gouvernements provinciaux?

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je remercie l'honorable sénateur de cette question. C'est une question importante. L'objectif de tout transfert de fonds tel que ceux effectués dans le cadre du Fonds du millénaire est d'aider les étudiants, non d'aider les gouvernements provinciaux à améliorer leur situation budgétaire.

Je n'ai manifestement pas les informations précises sur la situation dans toutes les provinces, mais je vais certainement les obtenir et je les transmettrai à l'honorable sénateur.

Le sénateur Cochrane: J'aimerais remercier le leader du gouvernement de sa réponse.

Le ministre pourrait-il également essayer de savoir combien d'étudiants ont jusqu'ici refusé ces bourses?

Le sénateur Boudreau: Oui, je serai heureux de m'enquérir de ces informations. Je vais essayer d'obtenir un ensemble complet d'informations à ce sujet et je les transmettrai à l'honorable sénateur ainsi qu'à toute personne que cela pourrait intéresser. Je pourrai très probablement le faire la semaine prochaine.

Les programmes de création d'emplois- La possibilité d'une mauvaise gestion des fonds

L'honorable W. David Angus: Honorables sénateurs, les Canadiens sont de plus en plus consternés par les déclarations que la ministre de Développement des ressources humaines Canada a faites après avoir reçu la vérification interne qui est maintenant jugée scandaleuse et révélatrice. Madame la ministre Stewart a blâmé son ministère. Elle a dit qu'il y avait eu une mauvaise gestion au palier bureaucratique. Aujourd'hui, nous lisons dans le National Post que le gouvernement libéral blâme maintenant M. Jean-Jacques Noreau, un fonctionnaire honorable et dévoué, qui a quitté le ministère deux ans avant même le début de cette vérification.

Les libéraux ont blâmé des fonctionnaires qui travaillent actuellement à Développement des ressources humaines Canada. Ils ont blâmé des fonctionnaires qui y ont travaillé dur par le passé. Les libéraux ont blâmé tout le monde, sauf les responsables de ce gâchis, soit eux-mêmes.

Honorables sénateurs, ce sont les libéraux qui ont obligé ces fonctionnaires à céder aux pressions politiques. Ce sont eux qui ont fait en sorte qu'il y a eu une augmentation de plus de1000 p. 100 dans l'approbation de ces subventions bidons, juste avant les élections de 1997.

Le sénateur Cools: Ce n'est pas vrai!

Le sénateur Tkachuk: C'est honteux!

Le sénateur Angus: Le leader du gouvernement au Sénat aura-t-il l'obligeance de confirmer ou d'infirmer - ma question est simple - la déclaration d'un haut fonctionnaire qui a été publiée dans l'édition du National Post de ce matin:

Les députés étaient très mécontents de perdre du prestige et de ne pas avoir la mainmise sur les programmes de distribution de fonds dans leurs collectivités...

Après que le gouvernement eût supprimé d'autres programmes, le Fonds transitoire pour la création d'emplois était une solution idéale aux préoccupations des groupes parlementaires car «il leur donnait directement la mainmise sur les fonds de création d'emplois». Il est donc étrange qu'on blâme maintenant les fonctionnaires d'avoir cédé aux pressions politiques.

Pouvez confirmer ou nier cela, monsieur le ministre?

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je remercie le sénateur de cette question. Je le remercie des trois ou quatre questions qu'il a posées, mais je vais répondre à celle qu'il a posée dans son résumé.

Une voix: Donnez une réponse de toute façon.

Le sénateur Boudreau: Je présume que j'aurai probablement l'occasion de répondre de nouveau au cours de cette période des questions.

On dit que le Fonds transitoire pour la création d'emplois a été utilisé à des fins politiques.

Des voix: Non.

Le sénateur Boudreau: C'est ce qu'on dit.

Des voix: C'est honteux!

Le sénateur Angus: Vous le confirmez ou le niez?

Une voix: Qui a dit cela?

Le sénateur Boudreau: C'est à cela que je désire répondre.

Une voix: Qui a dit cela?

Le sénateur Boudreau: Sans insinuation...

Une voix: Jamais!

Le sénateur Boudreau: ... sans allusions, mais des faits. Les faits sont...

Une voix: Pas avant les élections, jamais!

Le sénateur Boudreau: Les faits montrent, honorables sénateurs...

Une voix: Demandez à la marmotte.

Le sénateur Boudreau: Il me tarde de partager ces faits avec vous, à savoir que sur les 1 083 projets approuvés dans le cadre du Fonds transitoire pour la création d'emplois, plus de la moitié, soit 568, sont allés à des circonscriptions de l'opposition...

Une voix: Merveilleux.

Le sénateur Boudreau: ... contre 515 pour des circonscriptions libérales. Les circonscriptions de l'opposition...

Une voix: Où voulez-vous en venir?

Le sénateur Boudreau: ... ont reçu 147 millions de dollars dans le cadre du Fonds transitoire pour la création d'emplois comparativement à 138 millions de dollars pour les circonscriptions libérales. Les circonscriptions de l'opposition ont reçu plus de subventions et plus de fonds au titre de ce programme. S'il était censé être un outil politique, alors quelqu'un s'est trompé.

Une voix: Où est la marmotte? Ce n'est pas très fort.

Le sénateur Angus: Honorables sénateurs, le leader du gouvernement n'a pas répondu à ma question précise. Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais pour ma part, je suis vraiment troublé par l'incapacité de l'honorable leader du gouvernement au Sénat de fournir des réponses sérieuses et pertinentes à des questions très simples et directes.

Le sénateur Robichaud (Saint-Louis-de-Kent): Vous auriez dû attendre la réponse.

Le sénateur Angus: Ce sont des questions que mes collègues et moi-même avons posées cette semaine de bonne foi au leader au sujet des subventions de DRHC.

Les Canadiens veulent connaître les réponses à ces questions, honorables sénateurs. Le gouvernement est très évasif et il est clair qu'il est embarrassé par cette situation scandaleuse. C'est un scandale qui évolue, comme le scandale du Pacifique, celui de Beauharnois ou celui des boutiques hors taxes aux aéroports, et j'en passe, monsieur le ministre.

Ma question au leader du gouvernement au Sénat est la suivante: le leader du gouvernement pourrait-il nous répondre et nous fournir des réponses pertinentes aux questions? Les gens veulent savoir. Le leader du gouvernement au Sénat va-t-il...

Le sénateur Spivak: Démissionnez!

Le sénateur Angus: ... demander au gouvernement de nommer, sans délai, une commission d'enquête complète pour faire la lumière sur toute cette affaire afin que les Canadiens puissent connaître les détails et sachent exactement ce qui est arrivé à leur argent durement gagné?

Une voix: Oui ou non?

Le sénateur Robichaud (Saint-Louis-de-Kent): Répondez très lentement afin qu'ils puissent comprendre.

Une voix: Pouvez-vous voir votre ombre?

Le sénateur Boudreau: À la lumière de ses observations, l'honorable sénateur croit que le Fonds transitoire pour la création d'emplois a été utilisé à des fins politiques.

Le sénateur Meighen: Il veut des réponses.

Une voix: Il est dur d'oreille.

Le sénateur Boudreau: Je pense que c'est essentiellement ce qu'il a dit, mais je crois que ce fonds n'était pas utilisé à des fins politiques. La raison pour laquelle je crois cela, c'est parce que la plupart des subventions et la plus grande partie des fonds ont été versés dans des circonscriptions de l'opposition. Je ne peux que citer ces faits.

Le sénateur Nolin: Il faut une enquête.

Des voix: Nous voulons en savoir plus.

Le sénateur Boudreau: Je me permets d'ajouter que les fonds versés dans les circonscriptions de l'opposition ont été acceptés avec enthousiasme par les députés qui les représentent et avec plus de satisfaction encore, honorables sénateurs, par les Canadiens qui ont bénéficié de ces programmes.

Le sénateur Fairbairn: C'est tout à fait juste.

Le sénateur Boudreau: Je remercie le sénateur Ghitter qui a, à mon avis, relevé le niveau du débat et faisant sa déclaration tout à l'heure au Sénat. Grâce à lui, les propos désordonnés ont cédé la place à un point de principe.

Le sénateur Angus: Répondez à la question.

Le sénateur Kelleher: C'est oui ou c'est non.

Le sénateur Boudreau: L'honorable sénateur a dit qu'il fallait éliminer les subventions et rendre l'argent aux Canadiens en réduisant les impôts. C'est ce qu'il a dit.

Le sénateur St. Germain: Bravo!

Le sénateur Boudreau: D'ailleurs, il y a eu des applaudissements. Je le félicite d'avoir clarifié l'enjeu.

Une voix: Êtes-vous d'accord avec lui?

Le sénateur Boudreau: C'est précisément l'enjeu de la question. Il n'est pas le seul de cet avis. Permettez-moi de citer un article du National Post, qui partage également l'avis du sénateur sur la question.

Diane Francis écrit ce qui suit:

Ultérieurement, le gouvernement fédéral devrait éliminer tous ses programmes de subventions et distribuer l'argent aux contribuables sous forme de réductions d'impôts permanentes.

Des voix: Bravo!

Le sénateur Ghitter: Qui dit cela?

(1440)

Le sénateur Boudreau: Diane Francis écrit cela - c'est brillant - puis elle ajoute: «On n'acceptera rien de moins. Il faut éliminer les subventions.»

Le sénateur Angus: Nous attendons toujours des réponses.

Le sénateur Boudreau: Devrions-nous éliminer les programmes à l'intention des autochtones? Éliminer les programmes de développement social? Se débarrasser des programmes d'apprentissage et d'alphabétisation? Faire disparaître les partenariats en matière de ressources humaines? Devrions-nous vraiment éliminer tout cela?

Le sénateur Lynch-Staunton: Plus de marmotte!

Le sénateur Boudreau: J'ai une question à poser.

Le sénateur Lynch-Staunton: Débarrassons-nous de la marmotte.

Des voix: Y aura-t-il une enquête?

Le sénateur Boudreau: L'honorable sénateur Buchanan de la Nouvelle-Écosse serait-il d'accord avec cela? Les autres sénateurs de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick sont-ils d'accord avec cela? Je peux dire que je n'accepte pas du tout l'élimination de tous ces importants programmes.

Des voix: Bravo!

Le sénateur Lynch-Staunton: Honorables sénateurs, je me demande si le leader du gouvernement peut répondre à la question du sénateur Angus.

Les programmes de création d'emplois- La possibilité d'une mauvaise gestion des fonds- La distribution des subventions

L'honorable Mira Spivak: Honorables sénateurs, étant donné que le leader du gouvernement a répondu que des subventions étaient allées à des circonscriptions représentées par l'opposition, je me dois de lui poser une question sur la circonscription de Winnipeg-Centre, représentée par Pat Martin. Croyez-moi, je connais bien cette circonscription, et je suis sûre que tous les députés et sénateurs du Manitoba la connaissent et sont au courant de ses besoins. Pat Martin a dit n'avoir rien reçu du Fonds transitoire pour la création d'emplois, bien que sa circonscription compte une école située dans un quartier qui passe pour être le plus pauvre du Canada.

Le premier ministre a répondu que le député avait reçu100 millions de dollars sur un certain nombre d'années. Il s'avère que le calcul comprenait les salaires des fonctionnaires. Comme le ministre est très attaché à la vérité, j'ai la certitude qu'il voudra mettre les choses au point à ce sujet. Je tiens aussi à ce que les faits soient rectifiés, car il s'agit d'une circonscription et d'une région auxquelles tous les Manitobains sont attachés.

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, si le point de vue du sénateur Ghitter et de Diane Francis l'emportait, aucune circonscription ne toucherait de subventions.

Le sénateur Angus: Répondez à la question. Vous ne répondez à aucune. C'est un scandale.

Le sénateur Boudreau: Encore une courte citation, et je promets de ne plus parler de Diane Francis.

Le sénateur Spivak: Je veux une réponse à ma question.

Le sénateur Boudreau: Voici la citation: «[...] nous devons garder notre argent loin d'eux...» - Elle fait sans doute allusion au gouvernement. - «[...] nous devons garder notre argent loin d'eux, sauf quand il s'agit des services essentiels», mais essentiels pour qui? Je ne crois pas que le lord Black ait besoin d'un programme d'alphabétisation; je ne crois pas qu'il ait besoin d'un programme d'emploi pour les jeunes, mais il y a une foule de Canadiens qui en ont besoin, et nous sommes en faveur de ces programmes.

Des voix: Bravo!

Le sénateur Spivak: Je n'ai pas obtenu de réponse à ma question. Quelle est la réponse à la question que j'ai posée?

Le sénateur Angus: Il n'y a pas de réponse. Dix-neuf questions ont été posées et il n'y a pas de réponse.

Le sénateur Roberge: Il a oublié la question.

Le sénateur Boudreau: L'honorable sénateur m'a demandé de chercher des informations sur une circonscription en particulier. Je n'ai pas encore donné d'informations précises sur une circonscription en particulier. Hier, on a déploré le fait que les porte-parole du gouvernement citaient des informations se rapportant à certaines circonscriptions précises. J'ai pris soin d'éviter cela car je connaissais le sentiment des sénateurs de l'opposition.

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, le leader du gouvernement a déclaré plus tôt que, circonscription par circonscription, les députés de l'opposition ayant profité de ces subventions étaient plus nombreux que les députés ministériels. Pourrait-il nous présenter les détails de ces subventions?

Le sénateur Spivak: Exactement.

Le sénateur Nolin: Oui.

Le sénateur Lynch-Staunton: Il importe de savoir, circonscription par circonscription, exactement comment ces subventions ont été distribuées.

Le sénateur Nolin: Tous les fonds!

Des voix: Il faut tout dire!

Le sénateur Lynch-Staunton: Le leader du gouvernement laisse entendre qu'un plus grand nombre de subventions ont été accordées aux circonscriptions de l'opposition qu'à celles du gouvernement. Pourrait-il nous fournir ces chiffres afin que nous puissions les examiner?

Le sénateur Nolin: Pour tous les fonds, et non un seul.

Le sénateur Boudreau: Honorables sénateurs, je déposerai toutes les données relatives aux déclarations que j'ai faites en cette enceinte. Les sénateurs pourront voir tous les totaux que j'ai mentionnés.

Le sénateur Angus: Il sera bien mémorable le jour où nous recevrons une réponse.

Les programmes de création d'emplois- L'effet des subventions

L'honorable Ron Ghitter: Honorables sénateurs, j'ai une question complémentaire à poser. Comme le leader me classe dans la même sacro-sainte catégorie que Diane Francis - où je n'ai jamais été auparavant, je dois le dire, et où je puis vous assurer que je ne resterai pas très longtemps - dois-je en déduire que la position du gouvernement est davantage de créer des emplois au moyen de programmes symboliques et transitoires qui vont et viennent plutôt que d'opter pour la permanence qu'assurent les réductions d'impôt, la suppression de l'imposition des gains en capital et toutes les questions économiques auxquelles j'ai fait allusion? Ces mesures peuvent avoir une grande incidence sur notre société, nos entreprises et notre communauté en stimulant l'investissement et la création d'emplois durables.

Je déduis de ce que le leader a dit qu'il part du principe ou que le gouvernement part du principe qu'il vaut mieux créer des emplois en injectant de l'argent dans des programmes provisoires et transitoires plutôt qu'en prenant des mesures économiques permanentes qui profiteront de façon durable aux Canadiens. Est-ce bien là sa position?

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, ma position - puisque le sénateur me la demande -, c'est que le gouvernement doit intervenir dans certaines circonstances en se servant des deniers publics. Je crois que le gouvernement a un rôle à jouer dans ces programmes.

Le sénateur Lynch-Staunton: Pour acheter des votes!

Le sénateur Boudreau: Par exemple, je crois que le gouvernement a un rôle à jouer dans les programmes de développement social, d'apprentissage et d'alphabétisation et aussi, certes, dans les programmes de création d'emplois.

Le sénateur Lynch-Staunton: L'argent de la marmotte.

Le sénateur Boudreau: Je peux citer de merveilleux programmes qui sont en vigueur dans ma propre province. Ces programmes sont tout à l'honneur de certains sénateurs, car ils ont créé des emplois stables et durables en Nouvelle-Écosse. J'utiliserai les Pneus Michelin à titre exemple.

Le sénateur Ghitter: Le Cap-Breton est un excellent exemple.

Le sénateur St. Germain: Devco!

Les programmes de création d'emplois-La possibilité d'une mauvaise gestion des fonds-Les conditions d'obtention des subventions

L'honorable Terry Stratton: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Elle porte sur le même sujet. Je présente mes excuses aux habitants de Wiarton, mais je continue de croire que c'est une mauvaise utilisation des fonds publics en ce sens que nous voulons créer des emplois à long terme pour les Canadiens. Cela ne se fait pas au moyen des gâchis dont nous entendons maintenant parler.

Le gouvernement a-t-il déjà, directement ou indirectement, laissé entendre que des entreprises pourraient obtenir des subventions de DRHC à la condition qu'elles donnent de l'argent au Parti libéral du Canada?

Le sénateur Ghitter: Non, jamais. C'est implicite.

Le sénateur Lynch-Staunton: C'est en-dehors du sujet.

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, à ma connaissance, il n'y a jamais eu de conversations en ce sens et il n'existe pas de conditions semblables.

Le sénateur Nolin: Shawinigan!

Le sénateur Lynch-Staunton: Jamais à Shawinigan.

Le sénateur Nolin: Saint-Maurice!

Le sénateur Stratton: Est-ce qu'un solliciteur de fonds du parti a déjà établi des contacts avec ces entreprises avant ou après l'approbation des subventions?

Le sénateur Boudreau: Je présume que l'honorable sénateur parle du gouvernement actuel, parce que, plus tôt, nous avons entendu un membre d'un gouvernement précédent admettre que de telle pratiques pouvaient se produire. Je n'ai connaissance d'aucune pratique du genre.

Le sénateur Spivak: Nommez-le.

Le sénateur LeBreton: Quel gouvernement? C'était votre gouvernement.

Le sénateur Nolin: C'était à Shawinigan.

Les programmes de création d'emplois-La possibilité d'une mauvaise gestion des fonds-L'enquête de la GRC

L'honorable Terry Stratton: Mardi dernier, deux députés progressistes-conservateurs ont fait savoir à la GRC que70 entreprises avaient reçu près de 27 millions de dollars en subventions de DRHC entre 1996 et 1997. Ensemble, ces entreprises ont versé près de 162 000 $ à la caisse du Parti libéral du Canada.

Une voix: C'est plus que les banques.

Le sénateur Stratton: Le collègue du leader du gouvernement qui occupe les fonctions de solliciteur général s'engagera-t-il à ne pas nuire à l'enquête de la GRC et à ne pas l'influencer?

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs...

Le sénateur Nolin: Dites oui.

Le sénateur Boudreau: Honorables sénateurs, je peux prendre cet engagement très facilement et en toute confiance.

La discussion initiale sur cette question très sérieuse a pris une nouvelle tournure. Je ne pense pas qu'elle soit utile. Il s'agit de sujets sérieux. Le sénateur Ghitter a mis la question sur le tapis.

Le sénateur Lynch-Staunton: Qu'en est-il de Diane Francis? Qu'a-t-elle dit?

Le sénateur Boudreau: C'est une question de fond importante, et il y a des divergences de vues des deux côtés du Sénat. J'ai une opinion. Le sénateur Ghitter, par exemple, a une opinion contraire. Tout ce que je peux dire à ce sujet, c'est que si c'est là l'opinion du sénateur Ghitter et de son parti, il devrait exhorter son chef à faire une déclaration en ce sens, car je ne l'ai pas entendu en faire à ce sujet jusqu'à maintenant.

(1450)

Le sénateur Stratton: Je crois le leader du gouvernement au Sénat lorsqu'il dit: «pas à ma connaissance». J'espère que cela vaut pour les autres ministres et que ceux-ci n'ont pas induit en erreur l'autre endroit ou le Sénat, car en ce cas, nous voudrions certainement qu'ils démissionnent.

Le sénateur Boudreau: L'information que j'ai me vient évidemment d'un autre ministère, mais l'information que j'ai donnée est vraie et complète, au meilleur de ma connaissance.

La santé

Les nominations au conseil d'administration de l'Initiative sur la santé de la population

L'honorable Erminie J. Cohen: Honorables sénateurs, la semaine dernière, le ministre de la Santé a annoncé la nomination du conseil d'administration de la nouvelle Initiative sur la santé de la population canadienne. La liste était impressionnante. Toutefois, après avoir lu le communiqué de presse, j'ai été déçue. En regardant de plus près la composition du conseil, je me suis rendu compte qu'il y avait deux membres de la Colombie-Britannique, deux de la Saskatchewan, un du Manitoba, trois de l'Ontario, un du Québec, un de l'Î.P.É et un de Terre-Neuve. J'ai été très étonnée de voir qu'il n'y avait aucun représentant de la Nouvelle-Écosse ou du Nouveau-Brunswick. Surtout que le Nouveau-Brunswick est un chef de file au pays puisqu'il gère un système hospitalier extramural très efficace qui est en fait le seul système du genre à offrir des services complets au Canada et que l'Université de Dalhousie gère un centre médical reconnu. Le leader du gouvernement au Sénat pourrait-il nous expliquer pourquoi le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse et l'Alberta ne sont pas représentés.

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je dois m'excuser auprès de ma collègue. Je n'ai pas entendu le début de sa question et je ne suis pas certain de quel programme il s'agit. Parlait-elle du PCRIS?

Le sénateur Cohen: Il s'agissait de l'Initiative sur la santé de la population canadienne.

Le sénateur Boudreau: Je ne connais pas ce programme. Je connais beaucoup mieux le Programme canadien de recherche et d'innovation en santé qui est un programme gouvernemental très important. J'avais l'impression, une impression que je vais très certainement tenter de vérifier, que ce programme était administré par des représentants de toutes les provinces. Si tel n'est pas le cas pour ce qui est du programme dont parle l'honorable sénateur, je suis prêt à faire les vérifications qui s'imposent et à transmettre une réponse à cet égard.

Le sénateur Cohen: Je vous remercie. Nous avons reçu un communiqué de presse à cet effet en début de semaine. Je suis heureuse que vous m'ayez promis de vérifier. J'aimerais que vous me garantissiez que les membres de ce comité n'ont pas été choisis pour leurs convictions politiques.

Une voix: Oh, jamais!

Le sénateur Boudreau: Je suis persuadé que le comité comprend des Canadiens qui ont à coeur le service au public et les questions de santé. Je ne sais pas si ces derniers ont des appartenances politiques, mais je suis persuadé qu'ils sont tous prêts à agir dans les meilleurs intérêts des Canadiens.

Le sénateur Cohen: Je ne parlais pas d'appartenance politique. J'ai tout simplement remarqué que les provinces où la représentation libérale est faible n'ont pas été incluses. C'est ce qui m'a d'abord sauté aux yeux quand j'ai pris connaissance de la liste.

Le développement des ressources humaines

Les programmes de création d'emplois-La possibilité d'une mauvaise gestion des fonds- L'attribution de subventions

L'honorable Edward M. Lawson: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Si j'ai bien compris, le programme d'emploi a été établi en vue de créer des emplois et d'encourager des employeurs à prendre à leur service des employés qu'ils n'auraient ordinairement pas embauchés si ces subventions n'avaient pas été versées, des gens ayant souffert des coupes dans l'assurance emploi et ayant été en chômage plus longtemps, mais susceptibles d'être remis au travail. Ce programme a-t-il aidé? La réponse est «oui».

Toutefois, il existe un autre groupe de travailleurs. Je sais que le leader du gouvernement a félicité le sénateur Ghitter d'avoir élevé le niveau de ce débat. Je veux ramener ce débat au niveau le plus bas possible pour le bénéfice des bénéficiaires théoriques du programme, soit celui des travailleurs.

Parmi ceux qui travaillaient pour des sociétés qui ont ressenti le besoin pressant de réduire leur effectif et de mettre à pied des dizaines de milliers de travailleurs, c'est le groupe habituel qui y a goûté. Ceux qui accomplissaient effectivement le travail ont été mis à pied en premier. Toutefois, bon nombre de dirigeants et de cadres supérieurs ont subitement été mis à pied, et le chômage représentait pour eux une nouvelle expérience. Beaucoup d'entre eux ont éprouvé énormément de difficultés à s'adapter à la recherche d'un nouvel emploi et à retourner au travail.

Très discrètement, le gouvernement a financé bon nombre de sociétés au pays, y compris l'une située près de chez moi à Burnaby en Colombie-Britannique, dont la raison sociale est Transitions, qui sont chargées de conseiller les gens et de les préparer à réintégrer la population active. Au bout d'un certain temps, ils ont constaté qu'ils réussissaient avec beaucoup de succès à aider les gestionnaires et d'autres à se remettre du choc du chômage et à accepter un emploi moins rémunérateur ou n'importe quel emploi. Ils ont connu un succès considérable. Dans tout ce contexte, pendant que des centaines de millions de dollars étaient dépensés, le gouvernement a décidé de réduire le financement de ces sociétés qui avaient largement contribué à remettre des gens au travail. Pourquoi a-t-il agi de la sorte? Il s'agit d'un volet très important de la réintégration des gens sur le marché du travail. Pourquoi le gouvernement a-t-il éliminé ce programme. Pourquoi a-t-il réduit le financement?

Ce ne sont pas les sociétés qui se sont plaintes. Elles n'oseraient pas le faire car elles estiment qu'on leur couperait les vivres. Toutefois, j'ai entendu des plaintes des travailleurs qui disaient: «Cela m'a aidé à réintégrer le marché du travail. Pourquoi a-t-on coupé leurs fonds? C'était ma chance de réintégrer le marché du travail. Pourquoi mes collègues n'ont-ils pas bénéficié eux aussi de l'aide de conseillers pour pouvoir retourner au travail?»

J'aimerais que le leader du gouvernement pose la question suivante à madame la ministre. Je sais bien qu'elle est occupée à d'autres choses, mais il pourrait poser la question à elle ou à l'un de ses hauts fonctionnaires. Je serais heureux que l'un d'eux m'appelle de toute urgence pour me dire pourquoi le ministère ne peut pas rétablir ce programme et poursuivre le financement. Ce financement donnait d'excellent résultats. Il a contribué au succès du programme et a aidé de nombreux travailleurs à retrouver un emploi à temps plein.

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je remercie l'honorable sénateur Lawson de cette question. Je lui promets que je poserai la question. J'espère que cette communication pourra être établie la semaine prochaine et que l'information pourra être transmise.

Les propos de l'honorable sénateur reflètent, encore une fois, la divergence d'opinions qui existe quand nous abordons la question fondamentale. Certains veulent que tous les programmes soient abolis et que l'argent serve à accorder un allégement fiscal; d'autres reconnaissent que ces programmes fournissent un précieux service aux Canadiens.

Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas de sérieux problèmes auxquels il faille remédier. Mes honorables collègues parlent de la vérification qui a été effectuée récemment et qui a révélé que les dossiers étaient mal tenus parce que les documents manquaient ou étaient incomplets à cause d'une supervision insuffisante, et que la gestion financière laissait à désirer. Cela ne fait de bien à personne de dire ou même de tenter de faire croire que ces problèmes ne sont pas graves ou qu'ils ne méritent pas une attention immédiate. Il y a cependant une marge entre remédier aux problèmes et chercher à supprimer ces programmes parce que l'on croit qu'une autre approche serait plus efficace.

Je vais faire le suivi et j'aurai l'information à l'intention de l'honorable sénateur la semaine prochaine.

Le solliciteur général

Le programme visant à renforcer la sécurité à l'égard des activités terroristes- Demande de précisions

L'honorable Consiglio Di Nino: Honorables sénateurs, il paraît que le Cabinet a approuvé un plan controversé visant à sévir contre des groupes canadiens accusés de recueillir des fonds pour financer des activités terroristes et ainsi de suite. Comme il fait partie du Cabinet, le ministre pourrait-il nous donner quelques renseignements à ce sujet aujourd'hui?

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, mon honorable collègue sait sans aucun doute qu'au sein du Cabinet, toute discussion portant sur un programme doit rester confidentielle. Tant que les décisions n'auront pas été prises et tant que les annonces n'auront pas été faites par le ministre responsable, je ne pourrai pas fournir de précisions à ce sujet.

Le sénateur Di Nino: Si je comprends bien, le plan a été approuvé et j'ai appris qu'il avait été rendu public. Sinon, j'abonde dans votre sens.

À titre de question complémentaire, je vais confier au leader du gouvernement mes réflexions et mes préoccupations en la matière. Je pense que les deux côtés de la Chambre s'entendront sur le principe de ce plan. Toutefois, le chemin est semé d'embûches et la prudence est de mise. Je demanderai au leader de nous fournir en temps voulu des précisions sur ce programme. Ce qui me préoccupe, par exemple, c'est qu'un État étranger puisse qualifier un groupe de terroriste alors qu'il s'agit simplement d'un différend politique. Ne citons pas de noms, mais je le ferai un de ces jours. Je demande au leader du gouvernement de bien vouloir nous communiquer incessamment le plus de renseignements possible sur ce programme afin que nous puissions l'étudier et soit l'apprécier, soit le critiquer.

Le sénateur Boudreau: Honorables sénateurs, j'apprécie la nature réfléchie des observations de l'honorable sénateur et je respecte ses préoccupations à l'égard des questions qu'il soulève.

(1500)

Je ne suis pas certain pour le moment si ce programme fait partie du domaine public, mais je vais le vérifier. Dans l'affirmative, je communiquerai immédiatement à l'honorable sénateur tous les renseignements qu'il demande et, espérons-le, cela répondra à ses inquiétudes.

Réponse différée à une question orale

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai la réponse différée à une question que l'honorable sénateur Andreychuk a posée le 16 décembre 1999 au Sénat au sujet de la réponse du gouvernement au rapport du comité sur les anciens combattants autochtones.

Les peuples autochtones

Demande de réponse au rapport du comité sur les anciens combattants autochtones

(Réponse à la question posée par l'honorable sénateur Andreychuk le 16 décembre 1999)

À la suite du rapport déposé en 1995 par le comité sénatorial permanent des peuples autochtones sur les anciens combattants autochtones, le gouvernement du Canada a examiné les réclamations de tous ceux, venus de partout au pays, qui ont témoigné devant le comité. Il a examiné en détail tous ses dossiers concernant l'application, dans leur cas, des dispositions de la Loi sur les terres destinées aux anciens combattants. À la lumière de cet examen, nous avons conclu qu'ils ont bénéficié des avantages auxquels ils avaient droit en vertu de cette loi.

Le gouvernement a communiqué les résultats de cet examen au greffier du comité sénatorial permanent. Des représentants du ministère des Affaires indiennes et duNord canadien et du ministère des Anciens combattantsse sont également présentés devant le comité sénatorialle 17 mars 1998 pour répondre aux questions de ses membres.

Le gouvernement de Canada continue de souligner l'importante contribution des anciens combattants autochtones et poursuit les discussions déjà amorcées sur les questions qui les concernent. En outre, depuis le dépôt du rapport, le gouvernement a mis sur pied plusieurs projets à cet effet.

Le dernier de ces projets en date, le Projet pour le nouveau millénaire, vise à rendre un hommage tout spécial aux anciens combattants autochtones en l'an 2000.


ORDRE DU JOUR

Projet de loi sur l'Accord définitif nisga'a

Deuxième lecture

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Austin, c.p., appuyée par l'honorable sénateur Fairbairn, c.p., tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-9, Loi portant mise en vigueur de l'Accord définitif nisga'a.

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein: Honorables sénateurs, il est rare que, au Sénat, nous puissions dire que le projet de loi que nous étudions aura un effet profond sur le Canada et qu'il revêt une importance historique, ou bien qu'il marque une évolution historique, un tournant dans la transformation de la nature même de notre État souverain. Tel est le cas du projet de loi C-9, Loi portant mise en vigueur de l'Accord définitif nisga'a.

Le traitement ou, faudrait-il dire, le mauvais traitement réservé aux autochtones remonte avant la Confédération et a débuté au moment de la prétendue première découverte pour se poursuivre avec l'occupation, par des États européens, de terres désormais connues sous le nom de Canada, qui vient du mot autochtone «Kanata», qui signifie «lieu de rencontre».

Qui, dans cette Chambre, ou qui, au Canada, peut nier qu'un des chapitres les plus sombres et les plus affligeants de l'histoire de l'Amérique du Nord et de l'Amérique du Sud est le traitement que nous avons réservé aux autochtones? Le gouvernement fédéral, assisté fièrement par les Églises reconnues de l'époque, a adopté, il y a plus de 100 ans, la Loi sur les Indiens. Elle incorporait des notions à l'européenne de discrimination raciale, en faisant de la lignée un élément de définition dans la Loi sur les Indiens. Cette loi s'est révélée à la fois raciste et limitative.Sir John A. Macdonald, père de la Confédération, espérait que les «Indiens», surnommés «Peaux-Rouges», seraient assimilés grâce à ces politiques d'isolement, puis d'assimilation.

Les Églises, leur zèle missionnaire et leurs écoles faisaient partie du problème. Elles ne se sont pas encore pleinement rachetées à la suite de leurs efforts collectifs pour enlever des enfants autochtones à leurs parents et pour les envoyer dans des pensionnats, avec le noble objectif de les instruire. Elles n'ont fait que les maltraiter et ont tenté de les guérir de leur patrimoine autochtone.

Le ministère des Affaires indiennes ne pensait pas différemment. Le ministère était soutenu par le pouvoir et le prestige du gouvernement fédéral et de ses homologues provinciaux, toutes ces mesures ayant été lancées par des colons et des entrepreneurs avaricieux.

Pendant des décennies, le traitement des autochtones est allé de mal en pis. Les autochtones ont même été privés des droits à la citoyenneté. Dans les années 60, le gouvernement fédéral, par l'entremise de la commission Hawthorn-Tremblay, a défini le problème essentiellement en termes économiques et a recommandé l'autonomie économique des autochtones, aussi rapidement que possible, pour assurer un traitement égal à tous les autochtones en tant que citoyens.

En 1969, le livre blanc du gouvernement, présenté au cours du mandat de l'actuel premier ministre, alors ministre des Affaires indiennes et du Nord, a ouvert un nouveau chapitre, demandant à la fois un traitement égal et une action positive. La recherche active d'une solution moderne était commencée. Elle est devenue un élément actif du discours public.

En 1982, la Charte des droits a propulsé le débat public encore plus loin. Les articles 25 et 35 reconnaissaient, sans les définir, les droits et les traités des peuples autochtones. Ce n'était que juste; ce n'était que convenable.

Trop peu de Canadiens se rappellent que le Canada a échappé à l'intégration aux États-Unis au cours de la guerre de 1812. C'est le grand chef indien Tecumseh et sa confédération qui, se joignant aux soldats britanniques et canadiens, ont repoussé l'invasion américaine dans le Haut-Canada. Tecumseh est mort durant la bataille contre les envahisseurs américains, près de la rivière Thames, non loin de London, Ontario, ma ville natale. Il a quitté le territoire américain et grimpé vers le nord et les terres canadiennes pour se joindre à la bataille contre les Américains, parce qu'on lui avait promis un traitement équitable des revendications autochtones et de meilleures perspectives que celles qu'offraient ou pratiquaient les Américains.

Le Canada a une énorme dette sociale et historique envers les autochtones, d'où le désir de justice économique et politique. La création du nouveau Territoire du Nunavut, l'an dernier, était un pas dans cette direction.

Honorables sénateurs, ce projet de loi pose un défi plus complexe: comment rétablir la justice et l'équité pour les gens d'ascendance autochtone, en fonction de principes acceptables selon les valeurs canadiennes, alors que ces gens sont répartis en petites grappes de population dans toutes les régions du pays?

Comme le sénateur Austin l'a si éloquemment illustré durant son discours complet et détaillé en faveur du projet de loi, à l'étape de la deuxième lecture, après des années de négociation, le gouvernement de la Colombie-Britannique et les Nisga'as de la vallée de la Nass sont parvenus à une entente qui réglait les revendications territoriales et reconnaissait une forme d'autonomie gouvernementale très différente et distincte de tout ce que l'on avait connu jusqu'à maintenant au Canada. Depuis longtemps, cette petite bande de quelque 6 000 personnes pratique sa propre forme d'autonomie gouvernementale axée sur la communauté.

Personne ne peut nier qu'un renouveau s'impose dans le dossier des autochtones. Il y a maintenant 80 tables de négociation au pays et les revendications étudiées visent plus de 10 p. 100 du territoire canadien. Le ministre à l'autre endroit a déclaré que ce règlement ne constituait pas un précédent. Cependant, hier, lors d'un discours touchant, éloquent, passionné et convaincant, le sénateur Gill a dit que d'autres autochtones se serviraient de ce règlement.

Examinons un peu le mode de gouvernement nisga'a. En y regardant de près, nous avons découvert certains éléments absolument uniques et différents. Ils sont à ce point différents que la plupart des Canadiens ne les ont ni compris ni intégré. J'ai trouvé que le virage dans la dialectique sur les solutions aux questions autochtones s'est produit lors de la présentation du rapport Hawthorn-Tremblay.

Les idées égalitaires à la base du livre blanc de 1969 et de la Charte de 1982 ont commencé à changer de façon spectaculaire durant les débats sur les accords ratés du lac Meech et de Charlottetown. La Cour suprême du Canada s'est jointe au débat public en rendant certaines décisions, comme dans l'affaire Calder, dans l'espoir qu'elles permettraient d'apporter des éclaircissements et d'accélérer les solutions.

Avec la publication du rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones, en 1995, le débat public a pris une autre tournure soudaine et spectaculaire. Au lieu d'appuyer la théorie des droits individuels et de l'action positive décrite dans le livre blanc, on s'est mis à promouvoir les droits collectifs, le statut spécial et les délicates théories de l'autodétermination et d'un troisième ordre de gouvernement approuvé par la Constitution.

Dans le traité nisga'a, les Nisga'as ont substantiellement réduit au cours des négociations la portée de leurs revendications territoriales et autres en échange de la reconnaissance d'une nouvelle forme, d'une forme différente de gouvernement doté de pouvoirs légaux.

Dans le traité nisga'a, il est fait une distinction entre un citoyen nisga'a et un non-Nisga'a résidant sur des terres nisga'as. En vertu de la Constitution nisga'a, seuls les citoyens nisga'as jouissent du plein droit de vote et du droit de jouir économiquement des fruits d'un règlement. Seuls les Nisga'as peuvent définir la citoyenneté nisga'a. Il y a eu ici une délégation de pouvoirs hors de la portée des futurs gouvernements fédéraux. En fait, les articles 25 et 35 de la Charte de 1982 reconnaissent les droits ancestraux ou issus de traités des peuples autochtones et affirment que rien ne portera atteinte aux droits non encore définis à l'époque. La question n'est pas seulement de savoir si le gouvernement fédéral a le pouvoir de créer, sans modification constitutionnelle, un troisième ordre de gouvernement auquel les futurs gouvernements fédéraux ne pourraient pas toucher. Ces questions ont fait et continuent de faire l'objet de débats animés en regard des articles 25 et 35. Ces questions sont source de division sur le plan constitutionnel. Même si elles résistaient à un examen judiciaire, est-ce ainsi que nous concevons l'unité canadienne en ce XXIe siècle où les distances entre les pays disparaissent graduellement? Nous n'avons pas encore tiré les dures leçons du XXe siècle en ce qui a trait au choc entre l'ethnicité et la citoyenneté à part entière.

L'autre jour, le sénateur Gill a déclaré, avec conviction et passion, que les futurs gouvernements autochtones ne seraient pas «ethniques», ajoutant qu'«ils seront le reflet de ce que nous avons le droit d'être».

(1510)

Puis il a ajouté ces très émouvantes paroles:

Il s'agit d'un partage, d'un partenariat. Plus nous serons ce que nous sommes et plus il y aura d'ouverture entre nous. L'identité distincte n'oblige pas à séparer les cultures: ce serait plutôt le contraire. Une culture «bien dans sa peau» sait s'ouvrir aux autres et attire l'intérêt. Son «ethnicité» fait partie de la réalité positive.

Qui peut le contester? Or, si on lit attentivement, comme je l'ai fait, l'accord nisga'a, la loi et la Constitution nisga'as, on se rend compte que la question de la citoyenneté nisga'a est laissée entièrement à la discrétion des Nisga'as eux-mêmes et qu'elle échappe aux principes de la Charte. À l'instar du sénateur Gill, je souhaite que la définition de «citoyenneté» ne soit pas «ethnique». Je crains cependant qu'en voulant enfin rendre justice aux autochtones, ce qui constitue un noble objectif, et relever leur situation qui attendait depuis longtemps de l'être, nous n'ayons involontairement créé des enclaves «ethniques féodales» à statut spécial et constituées de deux catégories de citoyens, ce qui va à l'encontre de la notion supérieure d'égalité de tous les citoyens canadiens.

Honorables sénateurs, cette mesure législative pose un défi exigeant et un problème délicat et difficile à résoudre. Après avoir examiné en profondeur le traité, la Constitution nisga'a, la loi et les cinq volumes du rapport de la Commission royale d'enquête sur les peuples autochtones, je ne suis pas sûr si mes principales préoccupations au sujet du projet de loi portent sur les principes ou sur les clarifications. J'ai l'intention de m'abstenir à l'étape de la deuxième lecture et d'examiner attentivement les témoignages recueillis par le comité des affaires autochtones qui, je le sais, examinera en profondeur ces préoccupations et les autres questions que je me pose.

L'honorable Ron Ghitter: Honorables sénateurs, le sénateur me permet-il une question?

Le sénateur Grafstein: Allez-y.

Le sénateur Ghitter: Si les préoccupations du sénateur se concrétisent, quelles pourraient en être les ramifications, à son avis?

Le sénateur Grafstein: Qui peut prédire l'avenir? Il s'agit d'une mise en garde préventive. Quand la question dépassera les frontières de la Colombie-Britannique, les provinces devront avaliser une quarantaine d'accords qu'elles seront amenées à négocier. Cette action est préventive, mais est-elle salutaire? Comme l'a expliqué le ministre dans l'autre Chambre, il est très difficile de nier que ce soit là un précédent de taille. Le cas échéant, nous nous retrouverions avec des enclaves ethniques - et j'emploie l'expression avec réserve - des enclaves raciales dont les populations seraient traitées différemment les unes des autres.

Ayant fait une lecture aussi attentive que possible du dossier, je tiens à féliciter les négociateurs qui ont mis en oeuvre tous les moyens à leur disposition pour concilier deux principes canadiens - celui de l'égalité de traitement et celui de l'identification ethnique. Le texte est fondé sur la Charte dont il défend les principes.

Examinons la question très attentivement. Sur les terres nisga'as, il y aura des citoyens nisga'as - et rappelez-vous qu'ils sont définis comme des citoyens nisga'as. J'ai toujours pensé, honorables sénateurs, que la citoyenneté était un aspect unique de la vie au Canada, qu'elle s'adressait à tous les Canadiens quels que soient leur lieu de naissance, leur race ou leurs traditions. Cette idée a été importée ici.

Je n'ai pas pris part aux négociations. Elles ont duré 20 ans; il m'est donc facile d'arriver dans ce débat après un mois d'étude. Toutefois, ayant lu cela, je dois dire que j'ai toujours pensé que l'échelon le plus élevé du Canada était la citoyenneté, que tout partait de cela et que tout le monde ici devait avoir le droit de devenir un citoyen. Dans le traité conclu avec les Nisga'as, des gens sont exclus. Vous ne pouvez pas devenir Nisga'a, je crois - et c'est pour cette raison que je souhaite attendre les témoignages - à moins d'être né dans la tribu. Cela établit une autre notion de la citoyenneté, une notion incompatible de la citoyenneté.

Si la déclaration du sénateur Gill est juste, à savoir que cela élargira la vision de la citoyenneté canadienne, je suis ouvert à cela. Toutefois, j'en doute. J'espère que mes doutes pourront être dissipés par les témoignages qui seront faits au comité. J'espère avoir tort. J'espère que mes craintes ne sont pas fondées. J'écouterai les témoignages et je les lirai en faisant preuve d'ouverture, mais j'ai de sérieux doutes à ce sujet. C'est pourquoi je m'abstiendrai, malgré mon désir de remédier à la situation horrible à laquelle sont confrontés les autochtones de tout le pays. Je ne peux pas me décider à faire cela.

C'est une réponse incomplète, mais j'espère que les témoignages qui seront présentés au comité nous aideront.

Le sénateur Ghitter: Selon l'interprétation que le sénateur Grafstein fait de l'accord et du projet de loi, est-il possible qu'un individu défini comme un non-Nisga'a ne bénéficie pas des protections que la Charte confère normalement aux Canadiens?

Le sénateur Grafstein: Non, ce n'est pas ce que je pense. Encore une fois, je tiens à féliciter les négociateurs et toutes les parties à cette entente.

Le sénateur Austin a très bien expliqué ce qu'il en est. Si j'ai bien compris, lorsque les droits d'un non-Nisga'a qui vit sur des terres nisga'as seront touchés, celui-ci pourra faire valoir ses préoccupations. Il pourra se faire entendre conformément aux modalités nisga'as. Il pourra s'exprimer, mais il n'aura pas le droit de voter. Des droits de vote seront peut-être prévus en matière d'éducation. Le non-Nisga'a aura indiscutablement le droit de s'exprimer sur diverses questions, mais il n'aura pas de pouvoir décisionnel, de droit de vote ni d'accès au processus décisionnel autrement qu'en s'exprimant.

C'est là mon interprétation. Comme je l'ai dit, j'espère que les témoignages que le comité entendra apaiseront ces préoccupations. Il y a une différence fondamentale nette entre le droit d'un citoyen de s'exprimer et son droit de voter.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je dois vous informer que le temps prévu pour le discours du sénateur Grafstein et les questions est écoulé.

Demande-t-on la permission de prolonger?

Des voix: Oui.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée?

Des voix: D'accord.

(1520)

Le sénateur Ghitter: J'ai une autre question à ce sujet. Supposons qu'on refuse un emploi à quelqu'un parce qu'il ne fait pas partie de la nation nisga'a. Dans de telles circonstances, tout autre Canadien pourrait se présenter devant le tribunal des droits de la personne, à un palier ou à un autre. Pensez-vous qu'un non-Nisga'a qui vit sur ces terres serait privé de pareille possibilité?

Le sénateur Grafstein: Encore là, ce n'est pas clair. À la première lecture, je comprends que certains droits accordés par la Charte et par d'autres lois semblables seraient maintenus, parce que la Charte n'est pas totalement écartée. Cependant, il y a un piège. Les droits des autochtones sont prévus dans la Charte, mais pas définis. Ils sont définis dans d'autres textes et, par conséquent, offrent aux autochtones l'égalité en vertu de la Charte. Le piège est là. Est-ce que la citoyenneté nisga'a est sujette à tous les principes énoncés dans la Charte?

C'est une question et j'ignore quelle est la réponse.

L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, parlant de la citoyenneté nisga'a, le sénateur Grafstein déclare qu'il croit, d'après ce qu'il comprend du texte, que cette citoyenneté est déterminée par l'ascendance et par l'appartenance à un groupe ethnique. D'après ce que je comprends des explications qui m'ont été données, les Nisga'as peuvent accorder la citoyenneté à qui bon leur semble. Est-ce que cela change votre position?

Le sénateur Grafstein: J'aimerais bien savoir quels seraient les critères. D'après nos principes, il existe des critères objectifs. Ce ne sont pas des critères discrétionnaires. Vous arrivez au Canada, vous devenez un immigrant reçu puis, d'après des critères objectifs, vous devenez un citoyen canadien. Au Royaume-Uni, un ministre peut nier la citoyenneté à une personne pour des raisons arbitraires. Cela ne se fait pas au Canada. Lorsque vous répondez à certaines conditions, la citoyenneté est affaire de principes clairs. On ne m'a pas convaincu que c'était la situation sous le régime de la Constitution nisga'a. D'après ce que je comprends, cela reste arbitraire. C'est un élément auquel je m'intéresserai en comité.

L'honorable Mira Spivak: Honorables sénateurs, j'ai deux questions à poser au sénateur Grafstein.

Tout d'abord, compte tenu de ses préoccupations pour la question de la citoyenneté, croit-il que les Nisga'as auront une double citoyenneté? Deuxièmement, toujours à la lumière de ses préoccupations, si l'honorable sénateur souhaitait modifier le traité, peut-il nous expliquer comment cela pourrait se faire? Je présume que le traité devrait être soumis à nouveau à toutes les parties aux négociations. L'honorable sénateur pourrait-il donner des détails à ce sujet?

Le sénateur Grafstein: Honorables sénateurs, je vais répondre d'abord à la dernière question, car c'est la question fondamentale. J'y ai beaucoup réfléchi. Le sénateur St. Germain soulève le problème auquel nous faisons face au Sénat. Le problème est qu'il faut être pour ou contre. Il est à peu près impossible d'apporter des amendements. Si je dis cela, c'est que, pour être juste envers les Nisga'a, il faut reconnaître qu'ils ont abandonné des terres considérables et d'autres revendications au cours des négociations. Comme le fait remarquer le sénateur St. Germain, cela met le Parlement dans la situation ingrate de devoir voter pour ou contre.

Je ne sais pas s'il existe une solution à cela. J'y ai beaucoup réfléchi. Si cela pose un problème - et si des sénateurs des deux côtés partagent mes préoccupations - comment pouvons-nous le résoudre tout en restant justes à l'égard des négociateurs qui ont cédé des choses pour en arriver à un résultat et de façon à ne pas nuire aux aspects salutaires de ces négociations? C'est une énigme dont je ne connais pas immédiatement la solution.

Je regrette, mais j'ai oublié votre première question.

Le sénateur Spivak: La question était de savoir si vous croyez que les Nisga'a auront la double citoyenneté.

Le sénateur Grafstein: Nous avons justement discuté l'autre jour du citoyen Black, de la double citoyenneté et des droits que cela comporte. Je ne suis pas contre la double citoyenneté...

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Dans un seul et même pays?

Le sénateur Grafstein: Laissez-moi terminer. Je ne suis pas contre la double citoyenneté dans le cas de Canadiens qui ont la citoyenneté d'autres pays, mais j'ai beaucoup de mal, sénateur Lynch-Staunton, à accepter une double citoyenneté au Canada.

Y avait-il d'autres solutions à cela? Je crois que oui, mais je n'ai pas participé aux négociations. Nous n'y avons pas participé et nous n'avions pas d'affaire à y participer. Toutefois, on a peut-être proposé d'autres modèles. Il revient au comité d'en discuter, comme le signale le sénateur Corbin.

Le sénateur Spivak: Est-ce alors un modèle pour d'autres choses à venir au Canada, ou est-ce un cas unique, un cas sui generis?

Le sénateur Grafstein: Comment pourrait-il ne pas être un modèle? Le ministre a dit qu'il ne s'agissait pas d'un précédent. Comment cela ce se peut-il?

Le sénateur Gill a été très juste l'autre jour lorsqu'il a déclaré que d'autres groupes autochtones avaient fait un bon usage de cela - et pourquoi pas?

Le sénateur Lynch-Staunton: Ils ne veulent pas moins, vous avez raison.

Le sénateur Grafstein: Le problème est le suivant: est-ce un bon précédent? Ce sera un précédent malgré ce que le ministre de l'autre endroit a déclaré. C'est le danger. J'espère que c'est un faux danger mais, quoi qu'il en soit, il est bien réel.

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition) : Honorables sénateurs, il y a deux domaines que je voudrais aborder avec le sénateur Grafstein en fonction de ses observations.

Tout d'abord, pour poursuivre notre réflexion sur la notion de citoyenneté, je pense qu'il est nécessaire de souligner l'importance de cette question. C'est important pour le principe à la base du projet de loi dont nous sommes saisis, mais nous devons également creuser un peu plus la question pour voir ce que cela signifie vraiment.

Il faut se rappeler que la première Loi sur la citoyenneté au Canada ne remonte qu'à 1945. Il y en a eu une deuxième dans les années 60. Les gouvernements successifs nous en ont promis une nouvelle au cours des dernières décennies. Il faut également se rappeler, en ce qui concerne le lien entre la souveraineté et les droits, qu'aux termes de la Charte canadienne des droits et libertés, il n'y a que trois droits qui sont liés à la citoyenneté canadienne: le droit de quitter le Canada et d'y revenir à son gré, le droit de vote et le droit à l'instruction dans la langue de la minorité.

Étant donné que cette idée de citoyenneté canadienne est nouvelle dans notre démocratie parlementaire, et étant donné que la plupart de nos droits s'appliquent à tout le monde au Canada, est-ce que l'honorable sénateur pense que le terme «citoyen» est quelque peu équivoque et que, lorsqu'on l'utilise dans ce projet de loi, ce n'est pas la même notion que ce qu'on entend dans la Loi sur la citoyenneté et que cela diffère beaucoup de la notion de citoyen prévue dans la Charte canadienne des droits et libertés?

Le sénateur Grafstein: Je pense que c'était la prémisse des observations du sénateur Gill, à savoir qu'il y a des notions différentes de citoyenneté au sens large. Cependant, le terme «citoyenneté» a été utilisé dans un cadre juridique et fondamentalement constitutionnel. Je pense qu'il a été choisi avec soin et pas à la légère. Étant donné qu'il a été choisi avec soin et qu'il semble, à première vue, aller à l'encontre de ma notion de citoyenneté, et peut-être de la vôtre, cela ouvre toute cette question et il devrait peut-être y avoir une définition plus large du concept de citoyenneté. J'ai toujours pensé que le fondement de la citoyenneté sur le plan juridique et dans le cadre du droit naturel était d'être ouverte à tout le monde - une citoyenneté ouverte basée sur des critères larges.

Je vais conclure, si vous le voulez bien. Mon premier discours au Sénat portait sur l'indemnisation à verser aux Japonais qui avaient été internés. J'avais choisi ce sujet parce que j'avais eu connaissance d'un cas ayant trait à la citoyenneté. C'était le cas d'un Canadien d'ascendance japonaise de la vallée du Fraser qui avait combattu pendant la Première Guerre mondiale et avait été décoré, et qui, à son retour dans la vallée du Fraser, avait constaté qu'on lui avait retiré sa propriété foncière. Il n'avait pas le droit de vote; il l'a obtenu seulement du fait qu'il s'est enrôlé. C'est alors que toute la question de la citoyenneté et du droit de vote est devenue une réalité pour moi.

(1530)

Je ne peux imaginer un sujet plus important à traiter pour un législateur que celui qui consiste à définir soigneusement et fièrement ce que suppose la citoyenneté. Ce projet de loi pose la question - peut-être prématurément, mais il pose la question. Par conséquent, nous devons nous pencher sur cette question.

Le sénateur Kinsella: Cela aboutit à ma deuxième préoccupation. J'ai écouté attentivement l'intervention de l'honorable sénateur et j'ai remarqué qu'il utilisait avec précaution les termes «groupe ethnique» ou «ethnie». À mon avis, du moins, le sénateur semble exprimer un certain malaise face à une définition à caractère racial. La question des mesures de réparation à l'égard des Japonais en est une parfaite illustration. C'était de la discrimination raciale. Par conséquent, il existe un lien dans notre histoire; peut-être est-ce cette partie de notre histoire dont nous ne sommes pas trop fiers.

Lorsque l'honorable sénateur a prononcé son discours cet après-midi, cherchait-il à éviter d'utiliser des termes comme «race», que nous ne devrions pas employer? Dans les débats que j'ai lus, j'ai constaté que certains avaient cherché à définir des entreprises collectives en fonction de la race. Étant donné que les distinctions de races n'ont aucun fondement scientifique, et compte tenu des infamies qui ont été commises au fil de l'histoire, l'honorable sénateur aurait-il l'obligeance de préciser ce qu'il voulait dire et la mesure dans laquelle il doit expurger la notion de race de ses propos?

Le sénateur Grafstein: L'honorable sénateur Kinsella soulève un élément historique intéressant, et j'ai effectivement consacré un certain temps à l'analyse de cette question.

La Loi sur les Indiens comprenait une définition raciale fondée sur le sang. Cela ne venait pas des autochtones. C'est l'homme blanc qui avait défini ce qu'était le soi-disant «peau-rouge». C'était là une forme européenne de définition et d'exclusion. À mon avis, même l'expression «peau-rouge» était répréhensible. La définition de la Loi sur les Indiens est répréhensible. Nous faisons maintenant face à un paradoxe incroyable où la notion répréhensible du sang figurant dans la définition de la Loi sur les Indiens, qui est d'origine européenne et qui est étrangère aux autochtones, pourrait être maintenue dans ce traité.

J'y vais délicatement parce que je nage dans l'inconnu. Je ne sais absolument pas ce qu'il faut pour être membre de la bande nisga'a. Je ne connais pas la réponse à ces questions. L'honorable sénateur a raison. J'ai fait preuve d'autant de sens critique que possible pour éviter d'utiliser des termes qui, je l'espère, seront de faux points d'achoppement. C'est une situation délicate et nous nous penchons sur des problèmes délicats. J'espère que les honorables sénateurs les aborderont de façon aussi délicate, équitable et ouverte que possible.

L'honorable David Tkachuk: Honorables sénateurs, j'entreprends mon intervention au sujet du projet de loi C-9 en vous montrant mon dossier sur l'Accord définitif nisga'a. Je suis convaincu que bon nombre d'entre vous ont reçu les mêmes documents, lettres et renseignements que moi.

Je tiens à féliciter les sénateurs Austin, St. Germain, Grafstein et Gill pour leurs discours au sujet du projet de loi C-9. Je tiens à souligner clairement que j'appuierai le projet de loi en principe et que je désire qu'il soit renvoyé au comité.

En premier lieu, je citerai mes propres propos, qui figurent dans le hansard du 31 mars 1998. Comme bon nombre des honorables sénateurs le savent, je me suis intéressé particulièrement à la question de l'autonomie gouvernementale. Dans mon discours sur l'autonomie gouvernementale, j'ai déclaré que les Indiens ne sont pas le fardeau de l'homme blanc. À cette époque, j'ai dit:

Donnons aux Premières nations la possibilité de se débrouiller elles-mêmes. En leur refusant cette possibilité, nous courons droit au désastre. Commençons par avoir des communications entre partenaires égaux...

Honorables sénateurs, ce projet de loi sur les Nisga'as nous donne la possibilité de délibérer des faits et non de mythes - et il y a encore beaucoup de mythes. On a attiré mon attention sur un certain nombre d'entre eux lorsque j'ai présenté le projet de loi S-10, qui a été renuméroté successivement S-12 et S-14. J'ai présenté un projet de loi dont je pensais qu'il pourrait servir de modèle pour l'autonomie gouvernementale autochtone. Ce projet de loi renfermait certains principes auxquels je suis fermement attaché.

Les réserves devraient se gouverner elles-mêmes. En raison du caractère unique de leur culture et de l'histoire du Canada par rapport aux Premières nations, il vaut mieux leur laisser certains pouvoirs, fédéraux ou provinciaux, de façon à ce qu'elles adoptent une forme de gouvernement démocratique, qu'elles paient des impôts et deviennent partie de la communauté canadienne et jouissent de possibilités égales à celles dont jouissent les autres citoyens.

Honorables sénateurs, j'ai certaines réserves que j'ai exprimées ici au sujet du processus. J'ai des réserves quant à la façon dont les Nisga'as et d'autres tribus indiennes ont convenu de se gouverner. Je ne crois guère au collectivisme. À mon avis, c'est une sottise. Tant que je n'ai pas à payer, les gens devraient pouvoir faire ce qu'ils veulent. Les Huttériens ont une forme de gouvernement collectiviste et se débrouillent très bien, ils ne me demandent pas d'argent non plus. Cela me préoccupe, mais le pays est assez grand pour que je n'aie pas à vivre là.

Honorables sénateurs, nous accomplissons quelque chose ici. La réserve indienne est détenue, en fiducie, par la Couronne. Pour la première fois, les Indiens, notamment les Nisga'as, posséderont la terre en fief simple. Cela ressemble à la grosse ferme privée que possède la bande indienne en Colombie-Britannique. Ce ne sont plus des terres de l'État. En fait, les Indiens fonctionneront à la manière d'un petit gouvernement et auront leurs propres terres du domaine public - des terres que les gens peuvent acheter. Je ne suis pas sûr que les autochtones réaliseront les mêmes avantages économiques de revente s'ils ne deviennent pas partie intégrante de la collectivité. Voilà ce qu'il nous faut comprendre. Cela ne m'inquiète pas trop parce que les autochtones sont comme tout le monde et qu'ils voudront que leurs biens prennent de la valeur. Toutefois, il n'en sera pas ainsi si tout le monde s'en va. La terre ne vaudra plus rien quand ils l'achèteront et en recevront le titre.

Honorables sénateurs, j'essaie d'expliquer la chose le plus simplement du monde et j'emploie des mots simples. Ce n'est pas que le dossier soit tellement compliqué, mais il n'est pas sans problème, loin de là.

Honorables sénateurs, le gouvernement fédéral aurait dû proposer un modèle - c'est la raison d'être des débats en cours, spécialement en Colombie-Britannique. Le gouvernement aurait dû présenter un modèle, un moule ou ses raisons d'agir ainsi. Il faut se rappeler qu'à Charlottetown, les Canadiens ont clairement rejeté l'autonomie gouvernementale. Ils ont clairement rejeté l'idée que toutes les réserves du pays puissent jouir de l'autonomie gouvernementale. En Colombie-Britannique, 68 p. 100 des gens ont voté contre l'Entente de Charlottetown. C'est là une expression démocratique de leur volonté dont le gouvernement doit tenir compte.

(1540)

Nous sommes un pays démocratique. Le gouvernement ne peut pas faire accepter l'idée du droit inhérent à l'autonomie gouvernementale tout en disant que le Parlement n'a pas à s'en mêler. Nous n'avons adopté aucune résolution. Je n'ai pas de reproche à faire aux Nisga'as. Ce sont les parlementaires qui sont à blâmer, et le gouvernement. Nous aurions dû saisir le Parlement de la question et discuter de certains principes avant que le dossier ne se complique à ce point.

Nous aurions pu avoir un débat en bonne et due forme à l'autre endroit, puis donner des lignes directrices aux négociateurs, qui ont dû se débrouiller seuls. Voici maintenant que le gouvernement libéral va plus loin et se dit convaincu du droit inhérent à l'autonomie gouvernementale, mais il ne l'a jamais dit à personne. Cela va à l'encontre du vote contre l'Entente de Charlottetown.

Hier, le sénateur St. Germain a soulevé un excellent point. À une certaine époque, nous avions des réserves et des pensions, et tout cela partait de très bonnes intentions. J'ajouterais que nous avons aussi des traités, aujourd'hui, dans tout le Canada sauf en Colombie-Britannique. Ces traités n'ont pas réglé les problèmes qui hantent tellement de collectivités autochtones au Canada. Les traités ne sont pas une panacée. Nous avons fait la grande expérience des traités, et cela n'a pas tellement bien marché. Les parlementaires avaient la possibilité de discuter entre eux et avec les autochtones de l'avenir que nous souhaitions. Si nous l'avions fait, l'avenir aurait peut-être été légèrement différent de celui vers lequel nous sommes déjà engagés.

Nous avons essayé les réserves. Échec. Nous avons essayé les pensionnats. Échec. Nous avons essayé les traités. Cela n'a pas marché non plus. Nous voici maintenant avec un accord qui, d'après certains, réglera le problème. Je ne suis pas de cet avis, mais je pense que les autochtones doivent obtenir l'autonomie gouvernementale. Je crois qu'ils peuvent régler leurs problèmes mieux que nous ne saurions le faire à leur place. Je suis convaincu qu'ils ont besoin de l'indépendance nécessaire pour le faire.

L'absence de traités en Colombie-Britannique ne signifie pas que les autochtones de cette province ont eu moins d'avantages que ceux des autres régions du Canada. La Colombie-Britannique compte aujourd'hui des réserves où vivent des Indiens. La seule différence est que nous ne payions pas 5 $ par habitant et 25 $ pour les chefs, comme cela se faisait en vertu de nombreux traités appliqués dans les Prairies. Ils ont réglé leurs revendications il y a de nombreuses années pour beaucoup moins.

Il y a des réserves en Colombie-Britannique. Les Nisga'as vivent sur une réserve. Les terres visées dans le projet de loi viennent s'ajouter aux terres de la réserve que détenaient déjà les Nisga'as. Ces derniers n'étaient pas des autochtones errants sans terre d'appartenance.

En fait, les terres supplémentaires sont également revendiquées par deux autres tribus indiennes. Le gouvernement fédéral a donc rompu une fois de plus une promesse, puisqu'il avait promis que ce genre de situation ne se produirait plus. Un autre groupe autochtone revendique donc des terres que le projet de loi accorde aux Nisga'as.

Les Indiens de la Colombie-Britannique n'ont guère moins que les autochtones du reste du Canada. En fait, rien ne permet de dire que leur situation était moins avantageuse.

Nous avons maintenant un nouveau traité qui a un caractère unique parce qu'il prévoit une structure gouvernementale. Je rappelle que nous l'avons déjà fait avec le Yukon et la bande sechelte. Nous avions adopté une loi, mais elle était cependant différente de la mesure actuelle.

Si le traité est régi par l'article 35, comme je persiste à le croire, il en sera de même du gouvernement de la nation nisga'a. Nous créons un troisième niveau de gouvernement, que nous voulions ou non l'admettre. Je n'y ai aucune objection, à condition que nous sachions qu'il existe et que nous comprenions à quoi cela nous engage et comment agir. Je n'aime pas les choses faites en catimini. Je préfère qu'elles le soient au grand jour. C'est ainsi que les choses devraient être faites. On devrait nous informer de l'existence d'un troisième niveau de gouvernement, pour que nous puissions examiner la question et en discuter.

Une fois que le projet de loi aura été adopté, nous ne pourrons plus revenir en arrière. Ce sera fait. Cela nous place dans une situation très embarrassante et ce n'est pas ainsi que nous devrions procéder. Trois signatures seront nécessaires pour modifier l'entente gouvernementale une fois que le projet de loi aura été adopté, soit celles du gouvernement fédéral, du gouvernement provincial et des Nisga'as. Je ne crois donc pas qu'il sera possible d'apporter des modifications. D'ailleurs, aucune modification constitutionnelle ne s'est jamais faite sans grandes difficultés au Canada.

Certains érudits ne sont pas d'accord. M. Tom Molloy est un de mes amis de Saskatoon; il a négocié cet accord. Il m'affirme que tous les avocats de droit constitutionnel respectables soutiennent qu'il n'est pas nécessaire de modifier la Constitution à cette fin, et que nous sommes sur la bonne voie. À certains moments, des constitutionnalistes étaient d'accord sur bien des choses, jusqu'à ce que la Cour suprême leur apprenne qu'ils avaient tort. C'est arrivé. Quand j'entends des constitutionnalistes me dire qu'ils ont raison, je me demande s'ils ne cherchent pas à obtenir mon soutien, ou encore si les enjeux financiers ne sont pas en cause. Les juristes pourraient être amenés à se pencher sur le dossier pendant les 20 prochaines années, d'une étude d'avocats à l'autre, d'un tribunal à l'autre, le tout étant financé par les deniers publics. Ce serait désastreux.

Si cet accord est adopté, comme le disait le sénateur Grafstein, ces gouvernements seront nombreux et tous différents. Le gouvernement fédéral nous assure que ce texte ne doit pas servir de modèle, mais je suis d'accord avec le sénateur d'en face pour dire le contraire. Cet accord ne sera qu'un accord parmi tant d'autres, tous différents. Nous sommes en train de nous embourber dans un véritable pétrin. Je suis impatient d'entreprendre l'étude en comité pour prouver ce que j'avance.

Il va y avoir des questions liées à la Charte du type de celles qui ont préoccupé de nombreux sénateurs d'en face lorsque nous avons discuté des projets de loi S-12 et S-14, incluant les droits des femmes, et le projet de loi C-31 sur la mise en application, ainsi que l'applicabilité de la Charte. Je ne suis pas trop préoccupé par ces questions, car je ne l'étais pas trop lorsqu'il s'agissait des projets de loi S-12 et S-14. Je suis tranquille à ce sujet. Je ne pense pas qu'il y ait de problème dans ce projet de loi concernant ces questions.

Ceux d'entre nous qui viennent de l'Alberta, de la Saskatchewan et du Manitoba sont des sénateurs de l'Ouest; nous représentons une région. Nous avons une responsabilité encore plus grande de veiller à ce que les préoccupations exprimées par les habitants formidables de la Colombie-Britannique ne soient pas traitées avec mépris. Tous les autres sénateurs ont la responsabilité de veiller à ce que les habitants de la Colombie-Britannique aient le sentiment d'être entendus à Ottawa, de ne pas être rapidement écartés pour la raison qu'ils se trouvent si loin. Nous devons accorder à cette question le respect qu'elle recevrait si elle touchait l'Ontario, le Québec ou, même le centre-ville de Vancouver. Elle touche la vallée de la Nass. Savons-nous même où cela se trouve?

Le parti qui constitue l'opposition officielle en Colombie-Britannique est le Parti libéral. J'ai rencontré son porte-parole en matière des questions touchant au procureur général, un jeune homme intelligent membre du Parti libéral fédéral. Son parti n'appuie pas ce projet de loi et il a fourni des raisons à cela. Le Parti réformiste fédéral de la Colombie-Britannique, qui détient la majorité des circonscriptions de la C.B., n'appuie pas ce projet de loi. Seul le NPD provincial appuie ce projet de loi.

(1550)

Son Honneur le Président: Sénateur Tkachuk, je regrette de devoir vous interrompre, mais votre période de 15 minutes est écoulée.

Le sénateur Tkachuk: Puis-je avoir la permission de poursuivre, alors?

Son Honneur le Président: Le sénateur a-t-il la permission de poursuivre?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Tkachuk: Honorables sénateurs, seul le Nouveau Parti démocratique provincial appuie ce projet de loi en Colombie-Britannique. Le NPD est tellement en défaveur là-bas qu'aux dernières élections partielles, il a obtenu quelque250 votes seulement. C'est le seul parti politique de la Colombie-Britannique à appuyer ce projet de loi.

Dans le journal de la Southam - en fait, les deux journaux de Vancouver appartiennent à la Southam - on trouve une lettre de Scott Barker-Leeson, un Nisga'a qui nourrit beaucoup des mêmes réserves au sujet de ce processus. Il parle du caractère secret du processus et à quel point l'affaire l'enthousiasmait au début. Voici ce qu'il écrit dans cet article:

Avec le temps, notre enthousiasme est malheureusement viré au cynisme, notre optimisme s'est transformé en scepticisme.

Au cours des réunions relatives au traité, beaucoup de questions ont reçu des réponses vagues. Nos leaders avaient apparemment adopté une attitude attentiste quant à la façon dont l'argent serait dépensé - quels programmes seraient créés et qui les dirigerait, et cetera.

Il parle ensuite d'une réunion en particulier. Voici:

Je me suis entretenu avec bien des Nisga'a, chez nous et ici, à Vancouver. Beaucoup suivent les chefs de bande sans trop saisir les conséquences que cet accord aura pour nous à longue échéance.

Je me demande ce qu'ils vont penser lorsqu'ils verront qu'ils sont encore pauvres, sans emploi et obligés d'endurer toujours les mêmes personnes au pouvoir - sauf que ces rares personnes au pouvoir pourront désormais «jouer» avec des centaines de millions de dollars.

Est-ce qu'ils souriront alors?

J'ai aussi une lettre du bureau du chef de l'opposition officielle en Colombie-Britannique, dont voici un extrait:

Tous les habitants de la Colombie-Britannique espèrent que les sénateurs vont veiller à ce qu'on trouve...

... et si j'ai reçu cela, il en va de même pour vous tous, j'en suis convaincu. La lettre se poursuit ainsi:

... une solution à ces préoccupations. Rarement la responsabilité du Sénat d'assurer une réflexion pondérée et un second regard sur un projet de loi rédigé par la Chambre des communes a-t-elle été aussi cruciale pour l'avenir de notre province et de notre pays. Je vous prie de procéder à un examen complet et détaillé de ce traité et à des consultations exhaustives avant son adoption finale.

Une fois ce processus terminé, pourrons-nous tous affirmer que c'est ce que nous avons fait et dire que nous avons tenu notre promesse envers les gens de la Colombie-Britannique? C'est la question que je pose aux sénateurs du parti gouvernemental.

Le sénateur St. Germain: Honorables sénateurs, j'aimerais faire un commentaire à l'intention de l'honorable sénateur Tkachuk.

En ma qualité de Britanno-Colombien, je ne voudrais pas qu'on garde l'impression que 250 personnes seulement sont en faveur de l'accord. Le gouvernement néo-démocrate - ou plus précisément Glen Clark - a fait un travail déplorable dans ce dossier et a causé bien des problèmes. M. Clark a déclaré que c'était son accord. Ces gens négocient depuis 122 ans; voilà quelqu'un qui est apparu dans le dossier il y a deux ou trois ans à peine et qui déclare tout à coup qu'il s'agit de «son» accord. Il a dit que cet accord ferait ou déferait son gouvernement. Il a misé son avenir politique là-dessus.

Bien des gens s'entendent pour dire qu'il faut régler la question. Je suis convaincu que j'ai mal compris le sénateur. Le vote des 250 personnes qui se sont exprimées lors des élections partielles reflète sans doute la faible popularité du gouvernement néo-démocrate en Colombie-Britannique. Cependant, il ne faudrait pas associer ce résultat à l'opinion des gens sur l'accord nisga'a. Je le précise à titre de Britanno-Colombien préoccupé par la situation. Nous cherchons la certitude, mais pas à n'importe quel prix.

Je vous laisse cette précision, sénateur Tkachuk.

Le sénateur Tkachuk: Honorables sénateurs, j'ignore si c'était une question. Cependant, ce n'est pas l'impression que je voulais laisser. Je voulais simplement signaler qu'ence moment- et les choses changent, la politique évolue rapidement - le gouvernement de la Colombie-Britannique est un gouvernement discrédité. C'est lui qui a négocié cet accord. Je ne veux pas laisser l'honorable sénateur sous l'impression que je ne suis pas d'accord avec l'autonomie gouvernementale, car il n'en est rien. J'ai essayé de faire part de mes nombreuses préoccupations. Le comité sénatorial permanent des peuples autochtones est un bon comité. En fait, il sera encore bien meilleur lorsque je siégerai à ce comité, et on m'a demandé de le faire hier.

Nous allons examiner cette question de façon approfondie. Comme la nation nisga'a elle-même l'a dit, nous ne nous préoccupons pas de mythes. J'en ai peut-être répandu quelques-uns, mais j'espère que non. Nous ne nous penchons pas sur des mythes, mais plutôt sur la réalité et sur les faits. J'espère que le débat continuera de se dérouler dans la même atmosphère qu'ici, que nous allons maintenir à l'avenir. Nous ne favorisons pas la bêtise. Si nous réglons la majeure partie de nos problèmes, ce projet de loi sera adopté assez facilement.

[Français]

L'honorable Gérald-A. Beaudoin: Honorables sénateurs, j'aimerais dire quelques mots sur le projet de loi C-9, Loi portant mise en vigueur de l'Accord définitif nisga'a.

D'entrée de jeu, je dois dire que je reconnais volontiers les droits collectifs reconnus aux peuples autochtones qui étaient déjà en Amérique bien avant nous, bien avant la venue des Européens et des grands découvreurs: John Cabot, Jacques Cartier, Samuel de Champlain et les autres.

La Constitution de 1867 était trop peu bavarde sur les Amérindiens. Heureusement, la Loi constitutionnelle de 1982 a amélioré la situation avec l'article 35, un article capital. La Cour suprême a rendu des décisions de très grande importance sur les peuples autochtones et continuera, j'en suis sûr, à en rendre beaucoup d'autres. Il faut donc continuer à reconnaître les droits des peuples autochtones et à les respecter.

Je dois affirmer, au départ, que je suis prêt à envoyer le projet de loi C-9 en comité, mais mon propos, cependant, est d'attirer l'attention sur la question juridique, qui est très complexe.

Je me réjouis que cette loi dise clairement que la Constitution du Canada et la Charte canadienne des droits et libertés sont prépondérantes en tout état de cause. C'est essentiel, à mon avis, parce que cette loi va créer un précédent qui pourra se produire dans d'autres provinces.

Je dirai, en second lieu, qu'il ne s'agit pas d'un amendement constitutionnel, mais bien d'une loi. Si on avait voulu amender la Constitution il aurait fallu, bien entendu, se conformer à la formule d'amendement. Ce n'est manifestement pas le cas. C'est donc un projet de loi à composante tripartite, ce qui est assez rare; les Nisga'as, la Colombie-Britannique et le Parlement fédéral sont tous les trois impliqués. Ce ne sera pas une loi que l'on pourra modifier aisément et souvent comme, par exemple, la Loi de l'impôt sur le revenu.

(1600)

En vertu du paragraphe 91(24) de la Constitution de 1867, le Parlement fédéral s'est vu octroyer une compétence exclusive sur les peuples autochtones et sur les terres réservées aux Amérindiens. Légalement, nous avons donc le pouvoir d'agir. J'attache une très grande importance au fait que l'accord n'écarte pas l'application du Code criminel. À mon avis, cette décision est bien fondée. Il faudra étudier plus profondément en comité la question juridique.

De nombreux pouvoirs sont accordés aux Nisga'as. Il n'y a aucune difficulté avec une délégation de pouvoirs. Certains pouvoirs sont concurrents, à prédominance tantôt fédérale, tantôt provinciale. Je n'ai pas de problème avec cela.

Il y a des pouvoirs concurrents qui accordent une prédominance aux autochtones. Ceci peut surprendre. Cependant, c'est là une question d'interprétation! S'il y a conflit, et il faut être réaliste, il y en aura parce que c'est une question très difficile, la Cour suprême pourra, si nécessaire, trancher le débat. Nous savons bien que ce qui est suprême au Canada, c'est la Constitution. La Cour suprême est la gardienne de la Constitution.

J'aimerais bien, pour ces raisons, entendre en comité parlementaire quelques experts sur cette question. À mon avis, le sénateur Grafstein a soulevé des points très importants. Je souhaite que le débat aille plus en profondeur.

Pour ce qui est de la double citoyenneté, il m'apparaît clairement que la citoyenneté canadienne, s'il y a conflit, aura prépondérance en tout état de cause. Il est bien évident que la loi sur la citoyenneté d'une fédération comme la nôtre, selon les termes de la Constitution, a une prépondérance absolue. Qu'il existe une autre citoyenneté est une possibilité, mais celle qui primera en cas de conflit est la citoyenneté canadienne.

En conclusion, je suis d'accord avec le renvoi en comité du projet de loi C-9. Nous devons résoudre une question fondamentale et importante. Je souhaite vivement qu'une discussion beaucoup plus étendue et plus profonde que celle que nous avons tenue aujourd'hui ait lieu au comité. Il y a des problèmes juridiques évidents.Voilà ma première réaction à ce projet de loi. Référons-le au comité tout en gardant à l'esprit le fait que plusieurs points de droit constitutionnel relatifs aux délégations devront être approfondis.

Cet accord constitue un précédent, non seulement pour une province, mais aussi pour tout le pays. Cela peut être une très bonne chose, et c'est la raison pour laquelle j'appuie le projet de loi à l'étape de la deuxième lecture. J'espère que l'on étudiera plus en profondeur les questions de la double citoyenneté, de la prédominance des Nisga'as dans certains domaines de pouvoir concurrent, du vote et de la taxation. On veut que ce soit une simple loi, mais il faut qu'elle soit bien rédigée.

[Traduction]

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, le parrain du projet de loi n'est pas ici. Y a-t-il d'autres intervenants de l'autre côté? Je ne crois pas qu'il y en ait de ce côté-ci. Je vais proposer la deuxième lecture du projet de loi C-9.

Son Honneur le Président: S'il n'y a pas d'autres honorables sénateurs qui souhaitent intervenir, je vais mettre la motion aux voix.

L'honorable sénateur Hays, appuyé par l'honorable sénateur Fairbairn, c.p., propose: Que ce projet de loi soit lu une deuxième fois. Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Le sénateur Grafstein: Honorables sénateurs, je voudrais faire remarquer mon abstention.

Le sénateur Hays: Avec dissidence.

Son Honneur le Président: Adoptée avec une abstention.

(La motion est adoptée avec dissidence, et le projet de loi est lu une deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Hays, le projet de loi est renvoyé au comité sénatorial permanent des peuples autochtones.)

[Français]

Projet de loi facilitant la prise de certaines décisions médicales

Deuxième lecture-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Carstairs, appuyée par l'honorable sénateur Pépin, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-2, Loi facilitant la prise de décisions médicales légitimes relativement aux traitements de survie et au traitement de la douleur.-(L'honorable sénateur Lavoie-Roux).

L'honorable Shirley Maheu: Honorables sénateurs, je désire apporter aujourd'hui ma contribution au débat sur le projetde loi S-2, présenté en cette Chambre par le sénateur Carstairs.

[Traduction]

Mes collègues ont exprimé leurs sentiments sur cette question délicate et ils ont manifesté leur appui au projet de loi. Pour la majorité d'entre eux, la compassion surtout justifiait leurs interventions en faveur de ce projet de loi. Je suis d'accord avec eux et je crois aussi que des mesures devraient être mises en place pour alléger la douleur au moment de la mort. Un professionnel de la santé ne devrait pas être coupable d'une infraction criminelle quand il donne à un malade des doses de médicament qui risquent d'abréger la vie de ce dernier si, et seulement à cette condition, son objectif est de soulager la douleur, et non de causer la mort. Je suis d'avis que cela fait partie de bons soins palliatifs et que cette méthode devrait être encouragée.

Je crois aussi, conformément à la décision rendue dans l'affaire Nancy B, que les professionnels de la santé ont l'obligation de respecter le droit du malade de refuser ou de retirer son consentement à un traitement médical essentiel au maintien de la vie. Il serait alors normal qu'ils n'aient pas à faire face à des accusations d'infractions criminelles, quand ils agissent selon la volonté du malade.

(1610)

[Français]

Ceci étant dit, je crois, honorables sénateurs, que nous devons être prudents dans la rédaction d'une législation portant sur un sujet aussi délicat. C'est pourquoi j'ai lu avec grande attention le projet de loi S-2. Je crois avoir bien compris l'esprit de ce texte et les grands principes qui y sont énoncés et, comme je l'ai mentionné plus tôt, je les appuie.

Il m'apparaît toutefois évident que ce projet de loi est incomplet. Il est aussi clair dans mon esprit que plusieurs des dispositions qui y sont énoncées risquent de poser des problèmes d'interprétation et d'application.

J'aimerais premièrement porter mon attention sur l'article 2 du projet de loi. Cet article énonçant le principe de la non-culpabilité du soignant dans les cas de traitements de la douleur peut être difficile à appliquer de façon concrète.

En effet, il peut paraître très facile, de façon théorique et juridique, de déterminer l'intention du soignant. Cependant, dans la pratique et dans les faits, la situation est toute autre. Je crains qu'une telle mesure ne serve de camouflage à des actes d'euthanasie qui resteront impunis, faute de pouvoir prouver les intentions du soignant.

[Traduction]

Selon M. David Thomas, procureur de Timmins, en Ontario, la pratique semble déjà répandue. Il déclarait au comité sénatorial spécial sur l'euthanasie et l'aide au suicide:

Au cours de cette affaire, il est devenu évident que l'euthanasie, tant active que passive, était courante au Canada sous couvert de soins palliatifs robustes. Au moment même où nous nous parlons, quelqu'un est probablement en train d'être euthanasié et, la plupart du temps, ces cas ne sont pas signalés ou pas dépistés. Même dans l'affaire dont je me suis occupé, les chances que l'euthanasie soit dépistée étaient extrêmement minces.

Par conséquent, je crois que l'administration de médicaments à des doses susceptibles d'abréger la vie de personnes devrait être étroitement surveillée pour éviter tout abus. J'espère que le comité consacrera un peu de temps à l'étude de ce problème.

Pour faciliter le travail du comité, je rappelle que le comité sénatorial spécial sur l'euthanasie et l'aide au suicide a reçu, au cours de ses travaux, de nombreuses suggestions de modifications. L'une d'entre elles pourrait bien aider à régler le problème. Le professeur Eike-Henner Kluge a proposé ceci:

Au cas où la vie d'une personne sera ou est susceptible d'être abrégée par le recours à des soins palliatifs faisant appel à des médicaments ou à d'autres moyens semblables et où la vie est abrégée d'une durée dépassant ce que l'on peut normalement espérer lorsque des soins palliatifs appropriés et reconnus sont prodigués, le dossier devrait être revu par un organisme indépendant composé d'un médecin (n'ayant aucun lien avec l'une ou l'autre des parties en cause), d'un membre du bureau du procureur général de la province ou du territoire où la mort est survenue et d'un membre indépendant provenant de la population et ayant reçu une formation en éthique.

[Français]

Honorables sénateurs, l'article 3 du projet de loi me préoccupe beaucoup. Comme je l'ai déjà mentionné, je suis d'accord avec le principe général de cet article, qui vient confirmer le droit d'un patient de refuser l'administration d'un traitement de survie. Toutefois, le libellé du paragraphe 2b) de cet article, où l'on édicte de quelle façon la demande d'abstention ou d'interruption du traitement doit être formulée, me laisse songeuse. Je suis d'avis que cet article est incomplet et qu'il ouvre la porte à de nombreux abus.

[Traduction]

Il est prévu que la demande du patient doit être «libre et éclairée». L'article 4 définit en ces termes une «demande libre et éclairée»:

Demande faite [...] volontairement, sans coercition, contrainte, fraude, erreur ni fausse déclaration et en toute connaissance de l'état du patient, du pronostic, des mesures de substitution possibles et des conséquences prévisibles de la demande.

Le projet de loi ne prévoit toutefois aucun mécanisme pour garantir que la décision du patient est conforme à cette définition. Ne devrait-on pas mettre en place une forme de contrôle pour garantir que le patient a pris sa décision volontairement et qu'il n'a pas fait l'objet de quelque contrainte que ce soit, imposée par lui-même ou par quelqu'un d'autre?

L'histoire relatée par Mme Rodney est un exemple flagrant de ce genre de situation. Cette infirmière a comparu devant le comité spécial du Sénat sur l'euthanasie et l'aide au suicide et a raconté l'histoire d'un diabétique de 76 ans qui était limité dans sa mobilité physique et qui avait besoin de dialyse à long terme.

Un jour, il a dit à l'équipe qui lui dispensait des soins qu'il ne voulait plus subir de dialyse. L'équipe a appris qu'il voulait mettre un terme à ses traitements parce qu'il avait l'impression de devenir un fardeau de plus en plus lourd pour sa femme. Lorsqu'on a mis en place un nouveau programme de soins prévoyant davantage de soutien à domicile pour les aider, lui et sa femme, il est revenu sur sa décision de cesser ses traitements. Il a vécu quatre autres années.

[Français]

Honorables sénateurs, cette histoire nous montre que les demandes d'interruption de traitements de survie ne doivent pas être prises à la légère. La situation n'est pas toujours évidente et la décision n'est pas toujours aussi volontaire qu'elle peut le paraître. Le projet de loi devrait inclure une série de modalités encadrant les demandes relatives aux traitements de survie. J'espère que le comité qui étudiera le projet de loi se penchera sur cette question.

La demande de cessation de traitement devrait être répétée au moins une deuxième fois et un délai minimum de 48 heures devrait être respecté entre les deux demandes. Un processus d'enquête auprès du patient devrait être prévu dans le projet de loi afin de s'assurer que sa volonté de cesser les traitements est réellement libre et éclairée, et qu'elle ne résulte pas plutôt d'une dépression passagère.

Honorables sénateurs, toujours à l'article 3, paragraphe 2b ), il est mentionné que la volonté du patient, quant à l'interruption des traitements de survie, pourrait se faire, entre autres, par signes, et en présence d'au moins un témoin qui n'est pas un soignant. Cette façon de faire risque de créer, à mon avis, plusieurs problèmes d'interprétation.

En effet, il pourrait être hasardeux d'interpréter les signes de certains patients. Un risque d'erreur pourrait causer la mort de patients qui ne sont pas prêts à mourir. Cette situation pourrait, par la suite, inciter des patients ayant perdu l'usage de la parole à ne pas exprimer leurs besoins de peur que leur geste soit mal interprété. Je crois aussi que l'alinéa c) du même article devra être clarifié lorsqu'il sera étudié en comité.

On y énonce que le conjoint, le compagnon ou le parent qui est le plus intimement lié au patient pourrait demander l'interruption de soins de survie si celui-ci n'a plus la capacité de formuler une telle demande et qu'il n'y a pas de représentant légal désigné pour prendre en son nom les décisions en matière de soins de santé.

(1620)

Le problème que pose cette disposition du projet de loi, c'est qu'il ne semble exister aucun ordre de préséance entre le conjoint, le compagnon ou le parent le plus proche. Il peut être aussi très difficile de déterminer qui est le proche parent.

La situation risque d'être particulièrement problématique si les enfants d'une même famille ont des opinions divergentes sur les soins qui doivent être dispensés à leurs parents. Cette situation a été vécue par une famille d'amis. L'un des enfants voulait que les traitements de survie soient interrompus et l'autre voulait que ces traitements soient maintenus. Les deux enfants étaient très près de leur mère et j'ai été obligée de prendre la décision finale. Ce fut une situation très difficile.

[Traduction]

Enfin, j'espère que, au comité, on étudiera de près la définition de «traitement de survie». Je ne suis pas d'accord pour que cette définition dise que l'hydratation et l'alimentation artificielles sont des traitements de survie. Selon moi, l'alimentation et l'hydratation sont des besoins élémentaires, et non des traitements. Nous n'avons pas le droit de laisser une personne mourir de faim. Considérer l'hydratation et l'alimentation artificielles comme des traitements médicaux est peut-être une étape vers la légalisation de l'euthanasie et du suicide assisté. Si cette définition était adoptée dans un texte de loi, elle permettrait aux services de santé de faire indirectement ce qu'ils ne peuvent faire directement. Il ne faut pas ouvrir la porte à ces pratiques.

[Français]

On pourrait me répondre que certaines de mes préoccupations seront traitées lors de l'établissement de lignes directrices nationales, comme le suggère l'alinéa a) de l'article 6. Je crois toutefois qu'il serait préférable que nous adoptions un projet de loi complet afin de laisser le moins de trous noirs et ainsi, éviter tout risque d'abus.

Voici donc quelles sont mes inquiétudes quant au projetde loi S-2. J'ai soulevé plusieurs questions et j'espère que mes réflexions seront utiles au comité qui sera chargé d'étudier ce projet de loi.

Le projet de loi S-2, qui devra faire preuve de compassion à l'égard des gens qui souffrent, ne devra pas ouvrir la porte à une législation encourageant l'euthanasie et l'aide au suicide. J'ose espèrer que cet équilibre sera atteint.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, si aucun autre sénateur ne désire prendre la parole, cet article demeurera inscrit à l'ordre du jour au nom du sénateur Lavoie-Roux.

[Traduction]

Les travaux du Sénat

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je demande que l'ordre de tous les éléments qui restent au Feuilleton demeure inchangé.

Son Honneur le Président: Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Ajournement

Permission ayant été donnée de revenir aux avis de motion du gouvernement:

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)h) du Règlement, je propose:

Que, lorsque le Sénat s'ajournera aujourd'hui, ce soit jusqu'à mardi prochain, le 15 février 2000, à 14 heures.

Son Honneur le Président: Permission accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

(Le Sénat s'ajourne au mardi 15 février 2000, à 14 heures.)


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